La Comtesse de Hong-Kong (A countess from Hong Kong) – de Charles Chaplin – 1967
L’ultime film de Chaplin vaut bien mieux que sa piètre réputation. Bien mieux, malgré une première partie qui laisse dubitatif. Les toutes premières images, d’un Hong-Kong plein de vie, semblent annoncer un film exotique, une sorte de nouveau départ pour Chaplin qui s’essaierait aux décors naturels, impression que vient renforcer la couleur, qu’il utilise pour la première fois de sa longue carrière.
Mais très vite, l’intrigue se concentre sur les seuls décors d’un bateau de croisière, et plus particulièrement d’une vaste cabine où les personnages principaux ne cessent de se croiser, à grand renfort de portes qui claquent. Le plus déroutant, alors, c’est la présence perceptible de Chaplin, pourtant absent à l’écran (à l’exception de deux courtes apparitions anecdotiques en vieux stewart souffrant du mal de mer), mais dont on devine constamment qu’il dirige ses comédiens comme des alter-egos.
Presque comme des pantins même parfois, alors qu’il met en scène de grandes stars, là aussi pour la première fois. Etonnant de voir Marlon Brando paniquer et se précipiter vers une salle de bain dès que la sonnette de sa porte retentit. Là, ce sont toutes les mimiques de Chaplin que l’on retrouve dans cet acteur pourtant aux antipodes, et peu porté sur la comédie, qui semble se plier totalement aux désirs du grand Chaplin.
Cette première impression est plus étonnante que vraiment séduisante, surtout que Brando n’est pas le seul alter-ego de Chaplin, qui fait jouer comme il le ferait lui-même aussi bien Sophia Loren que son fils Sydney, ou l’ensemble des seconds rôles à qui il confie des gags que l’on imagine taillés pour lui (le coucher de Sophia Loren et du majordome Hudson interprété par Patrick Cargill, jeu très chaplinesque avec le lit et les draps).
Il faut du temps pour s’attacher à ces personnages, et à cette romance naissante entre un riche héritier et la fille d’une ancienne comtesse russe dont la famille a dû s’exiler à la révolution. Mais quand cette romance se noue enfin, alors la personnalité de Chaplin se fait plus discrète, plus au service de l’émotion. Le baroud d’honneur par interprètes interposés se transforme alors en une jolie histoire d’amour pleine de rythme et de tendresse.
Sophia Loren est parfaite, sexy en diable, et joliment émouvante. Brando, lui, s’offre une récréation inattendue et réjouissante. Entre eux, l’alchimie fonctionne. Et autour d’eux, tous semblent prendre un grand plaisir à participer à ce vaudeville hors du temps. Nous aussi. Chaplin tire sa révérence sur un film plein de vie et d’optimisme. C’est beau.