Haceldama ou le prix du sang – de Julien Duvivier – 1919
Un plan, le tout dernier, annonce ce qui fera la grandeur du cinéma de Duvivier : le déracinement, la solitude, le poids des fautes… Tout ça en une seule image, superbe et évocatrice. Ce plan ultime d’un homme debout dans un canot se dirigeant vers un grand bateau, vers l’ailleurs, précède d’ailleurs la signature de Julien Duvivier, qui apparaît comme la promesse d’une grande œuvre à venir.
Il est toujours émouvant de découvrir les premiers pas d’un grand cinéaste, même quand ces premiers pas n’annoncent que brièvement la grandeur de cette œuvre à venir. Haceldama est donc le premier film de Duvivier, un film de vengeance et de grands espaces, présenté dès sa sortie il y a plus d’un siècle comme un « western corrézien ».
Cette parenté avec un genre si américain qui n’en était alors qu’à ses premières années est surtout flagrante dans la première moitié du film, où les grands espaces de Corrèze et l’arrivée d’étrangers comme autant de menaces potentielles sur le grand propriétaire local sonnent comme des clins d’œil évidents à un genre qui a visiblement marqué le jeune Duvivier… jusqu’à citer explicitement le fameux tir face caméra de Le Vol du Grand Rapide, le tout premier western de l’histoire.
Haceldama est encore marqué par les codes du cinéma des origines, avec ses personnages présentés les uns après les autres regards face caméra, regards lourdement soulignés par le maquillage (dont Séverin-Mars, futur personnage pivot du monumental La Roue). Duvivier ne s’affranchit pas encore de ces codes encombrants, pas plus qu’il ne parvient à rendre lisible aisément une intrigue inutilement complexe, qui distille goutte à goutte ses révélations.
Pas encore du grand cinéma, donc, mais ce « western corrézien » joliment restauré par la Cinémathèque française est une curiosité, et marque la naissance d’un futur grand cinéaste français, peut-être le plus grand de tous.
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