La Prisonnière du Désert (The Searchers) – de John Ford – 1956
The Searchers serait l’un des plus grands westerns de toute l’histoire du western, affirment certains. A revoir le film pour la énième fois (et la première fois depuis longtemps), il faut bien reconnaître que : a) c’est vrai ; b) c’est réducteur. The Searchers est l’un des grands chefs d’œuvre du western, mais aussi un immense film tout court, et l’un des plus beaux films en couleurs. L’un de ceux où la couleur est le mieux utilisée, déclenchant à elle seule (et dans les superbes compositions d’images) des torrents d’émotion.
A revoir le film, aussi, ce qui frappe le plus, c’est l’importance du hors champs. Les morts, la violence, et même les discussions cruciales… Quasiment toutes les actions marquantes de l’histoire se déroulent en dehors du champs, ou hors de portée de voix. The Searchers donne le sentiment d’être un film ample et spectaculaire. Pourtant, Ford élude l’action pour se focaliser sur les visages, les corps, les âmes de ses personnages.
Et il offre au passage à John Wayne son plus grand rôle, sans doute : celui d’un homme qui ne trouve pas la paix, ni le repos. Un homme lancé sur la piste d’Indiens qui ont enlevé sa jeune nièce et massacré sa famille. Une quête qui dure des années… Ford filme le temps qui passe en donnant corps aux saisons. Les images sont d’une beauté renversante.
Visuellement, formellement, Ford renoue avec ses grands films d’avant-guerre, y ajoutant des couleurs, flamboyantes ou glaciales. C’est peut-être le plus abouti de tous films. On y trouve tous ses thèmes et motifs (le rapport aux morts, l’obsession, et même une scène de bal), ses acteurs fétiches (Ward Bond, Olive Carey, Hank Worden, Ken Curtis, John Qualen, Harry Carey Jr…), Monument Valley bien sûr, filmé comme jamais.
C’est comme si toute l’œuvre de Ford, en tout cas son œuvre westernienne, atteignait son apogée ici. Un bémol, un seul dans ce chef d’œuvre ultime : le personnage de Debbie, devenue grande sous les traits de Natalie Wood, qui peine à rendre crédible son tiraillement entre sa vie de Comanche et ses liens de sang. Qu’importe : ce qui marque surtout, c’est le regard de John Wayne, sombre et douloureux.
Et cette démarche, chancelante, un peu paumée, dans l’encadrement de cette porte qui se reforme sur un Monument Valley soudain étouffant… Magnifique.