Les Héros de Télémark (The Heroes of Telemark) – de Anthony Mann – 1965
En fin de carrière, Mann en a encore sous le pied. Cette troisième partie de son œuvre (les grosses productions des années 60, après les polars des années 40 et les westerns des années 50, pour faire simple) n’est pas la plus réputée, mais ce film de guerre qui remplit son cahier des charges d’un genre alors prolifique, rappelle constamment qu’il y a un grand cinéaste derrière la caméra.
Un film de commando, dont l’enjeu est l’issue de la seconde guerre mondiale, il y en a eu des tonnes cette décennie-là. Des grosses productions, où les explosions s’enchaînaient et où les Nazis tombaient comme des mouches. Celui-ci s’inscrit dans cette logique et donne au spectateur tout ce qu’il attend : de l’action, foudroyante ; des explosions, spectaculaires ; des drames… dramatiques.
Pourtant, il y a d’emblée quelque chose d’atypique. Cela tient en grande partie au décor : la Norvège et ses montagnes enneigées, que Mann filme comme il filmait les déserts brûlants dans ses westerns. Ce parallèle est particulièrement frappant lors de la poursuite à ski, où les Nazis qui apparaissent derrière un somment neigeux évoquent des Indiens dans d’autres paysages.
Le film frappe aussi par le silence qui domine une majorité de scènes. C’est d’ailleurs lié à ces décors couverts de neige, mais ce silence marque les esprits, tant le film de guerre est habituellement rempli de bruits et de fureur. Il faut dire aussi que Mann est particulièrement économe côté dialogues, filmant des personnages taiseux définis par leurs actions avant tout.
Peu de personnages, d’ailleurs : Kirk Douglas en scientifique (ah bon ? On a tendance à l’oublier tant c’est sa présence physique qui s’impose) embarqué malgré lui dans la Résistance ; Richard Harris en Norvégien décidé à lutter à tout prix contre le nazisme ; Ulla Jacobsson en ex-femme de Kirk et simple caution féminine ; Michael Redgrave en second rôle de luxe…
Leur mission : détruire une usine où est produite l’eau lourde qui pourrait donner la bombe atomique aux Allemands. Une usine qui domine une petite vallée comme un refuge impossible à atteindre. Le film raconte d’ailleurs non pas une opération commando, mais deux. Non, trois… Riche et original, le scénario réserve des tas de rebondissements inattendus, que Mann filme royalement. Un must, dans le genre.