Sous le signe du taureau – de Gilles Grangier – 1969
Se lancer dans une intégrale Jean Gabin et enchaîner ses films permet de dénoncer quelques idées reçues : non, Gabin ne s’est pas enfermé dans un même rôle à la fin de sa carrière. Il a même gardé jusqu’au bout une envie manifeste de se renouveler, d’incarner de nouveaux personnages, et de varier les registres.
Il y a cela dit des nuances encombrantes, à commencer par cette fidélité jusqu’au-boutiste avec des réalisateurs au talent discutable. Grangier n’est pas le pire, mais il n’est ni Duvivier, ni Decoin, ni Renoir (à qui on pense brièvement lorsque Gabin retrouve Fernand Ledoux dans une scène sympathique, trente ans après La Bête Humaine). Sa mise en scène n’est pas pas la plus mollassonne de sa carrière, mais elle souffre d’un handicap de plus en plus lourd en cette fin des années 1960 : les dialogues d’Audiard.
Le dialoguiste peut être brillant. Mais il peut aussi être insupportable lorsqu’il sacrifie tout sens narratif et toute vérité dramatique au seul profit de bons mots trop écrits. Gabin en scientifique, c’est déjà une gageure. Mais avec ce verbe-là, populaire, lettré et ironique, c’est un naufrage assuré.
Voilà le principal problème de ce film qui promettait mieux sur le papier. Jamais on ne croit à cette histoire d’un scientifique qui court après des financements, parce que jamais on ne croit vraiment au personnage.
A de rares occasions, Gabin laisse entrapercevoir ce qu’aurait pu être le personnage (et le film) : un type inadapté aux contraintes économiques du monde dans lequel il vit. Une scène dans les embouteillages, où Gabin baisse la garde et affiche une réjouissante immaturité, parenthèse que rien n’annonçait, et qui n’aura pas vraiment de suite.
Sous le signe du Taureau a quand même tout du rendez-vous manqué. Il sonne aussi comme une fin d’époque pour Gabin qui connaît l’un de ses plus gros échecs populaires, et ne tournera plus avec Grangier, ni avec Audiard si ce n’est pour sa réalisation Le Drapeau noir flotte sur la marmite…
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