Trafiquants d’armes à Cuba (The Gun Runners) – de Don Siegel – 1958
Le Port de l’angoisse en 1944, Trafic en haute mer en 1950, et ce Trafiquants d’armes à Cuba en 1958… Pas moins de trois adaptations en moins de quinze ans pour le To have and have not d’Hemingway, et pas une à jeter. Certes, comparer les trois films amène à un constat de décroissance : le film de Siegel est un peu moins abouti que celui de Curtiz, lui-même n’égalant pas le chef d’œuvre de Hawks. Certes.
Mais les trois films ont leurs qualités et leur personnalité propre. Et le plaisir que l’on prend devant le film de Siegel repose en partie sur la singularité par rapport à ses deux prédécesseurs. L’histoire est immédiatement familière : ce patron d’un bateau de pêche de Key West fauché, qui accepte d’emmener en mer le gars qu’il ne faut pas… Et plein de détails rappellent l’un ou l’autre des deux films précédents : la douce épouse comme chez Curtiz, ou le second porté sur la bouteille comme chez Hawks. Drôle d’idée, d’ailleurs, de confier à Everett Sloane un rôle calqué sur celui de Walter Brennan.
Audie Murphy est très convaincant dans le rôle principal, son visage poupin apportant une dimension bienveillante qui n’était pas si flagrante dans les deux autres films. Dimension que Siegel développe dans les jolies scènes avec son épouse, jouée par Patricia Owens.
Le contexte, surtout, a changé. Le film est tourné en 1958, en pleine révolution cubaine, et c’est en quelque sorte l’histoire en marche qui sert de décor, donnant lieu à une belle séquence à La Havane, au cœur du film.
On retrouve aussi dans le film toutes les qualités des premiers Siegel : un rythme, une économie de moyens, un sens de l’ellipse, particulièrement réjouissant dans la première scène entre le héros et sa femme : cette dernière souligne qu’elle a les joues irritées par la barbe naissante de son homme, et cette simple réflexion évoque les chaudes minutes qui viennent de s’écouler entre eux…
Même avec des modèles écrasants, Trafiquants… évite le sentiment de redite, et offre à Audie Murphy l’un de ses plus beaux rôles. Un vrai plaisir.
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