Poursuites dans la nuit (Nightfall) – de Jacques Tourneur – 1957
Il est décidément très grand, Jacques Tourneur. Quel que soit le genre qu’il aborde, il sait en tirer la quintessence, jouant avec les codes en place pour mieux se les approprier. Et constamment se réinventer.
La preuve encore avec ce noir magnifique. Tout juste dix ans après La Griffe du passé, classique absolu du genre, Nightfall part d’un thème assez semblable : un homme rattrapé par son passé, qui se débat pour survivre. Pourtant, Nightfall ne ressemble ni au classique de Tourneur, ni en fait à aucun autre film noir.
L’histoire est relativement classique : un homme sans histoire, une mauvaise rencontre, le sort qui joue des tours. Et puis une femme fatale… mais l’est-elle vraiment ? Tous les codes du film noir sont bien là, mais le scénario (d’après David Goodis) les détourne habilement.
Ça se joue dans les détails. Ce grain de la pellicule, seul signe qui rappelle qu’on n’est plus dans les années 40… L’utilisation anxiogène des décors, entre ville bondée, terrains vagues, et paysages enneigés du Wyoming… Une manière, surtout, de créer une atmosphère en déstabilisant le spectateur.
Tourneur ouvre ainsi son film avec une scène étonnante, absolument pas explicative. Les dialogues, anodins, semblent pourtant lourds de double-sens ; une lumière qu’on allume fait naître l’angoisse… Pourquoi ? Par la grâce de la mise en scène de Tourneur, grand cinéaste qui sait mieux que quiconque transformer le quotidien et l’anodin en source d’angoisse.
Le film est formidable par sa construction aussi, faite de flash-backs successifs et d’un sens radical de la concision. Ramassé, intense, percutant, le film ne laisse aucun répit. Il l’est aussi (formidable) pour ses personnages, loin de tous les poncifs. Aldo Ray en proie effrayée ; Brian Keith en méchant extraordinairement posé… Formidables.
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