Le Maître du gang (The Undercover Man) – de Joseph H. Lewis – 1949
Des agents du fisc tentent de faire tomber le grand chef d’une organisation criminelle en épluchant les livres de compte… C’est un peu schématique, mais c’est à peu près ainsi qu’on peut résumer ce petit noir étonnant.
Robert Rossen à la production, Joseph H. Lewis derrière la caméra… Deux noms qui font la différence, et qui font de ce polar de l’attente et de la frustration un film cinglant et passionnant. La violence est rare à l’écran, pourtant elle est omniprésente dans l’esprit, comme une menace constamment palpable, dans laquelle l’agent spécial joué par Glenn Ford se débat.
Lewis filme l’attente, le temps perdu, les occasions manquées de cette enquête qui n’en finit pas et qui prive le bon flic de la vraie vie, symbolisée par une épouse aussi douce que compréhensive. Quand elle l’attend dans une campagne de cinéma, lui passe ses nuits dans des livres de compte, ou à écumer les quartiers populaires.
C’est aussi ça la force du film : la manière dont Lewis filmer ces quartiers et leurs habitants. Cela donne des images d’un réalisme fascinant, lorsque les flics interrogent les passants, ou dans l’une des rares séquences de pure suspense : quand le comptable Rocco fuit désespérément devant deux tueurs, sous le regard de sa fille. Oppressant, et déchirant.
Du grand méchant, on ne verra que la silhouette, comme une ombre maléfique. Les seconds couteaux ont, en revanche, une profondeur rare. Ce flic pourri qui vit avec sa culpabilité, la danseuse accro à son escroc d’amant, ou l’avocat véreux, O’Rourke (Barry Kelley), dont les rencontres avec Warren (Glenn Ford) sont étonnantes, à la fois extrêmement tendues, tout en non-dits, et presque amicales.
Des tas de très grands moments dans ce film, et des acteurs formidables. Belle découverte…