Vers la joie (Till glädje) – d’Ingmar Bergman – 1950
Un homme et une femme se rencontrent dans un orchestre. Ils vont s’aimer, se disputer, grandir ensemble, aborder les grandes étapes de la vie… Ce pourrait être une sorte de chronique douce-amère sur le parcours de deux êtres presque anonymes : ni l’un ni l’autre n’ont une beauté renversante, ni un destin exceptionnel. Mais ils sont beaux ensemble, touchants, même si apprendre à vivre ensemble ne se fait pas sans une certaine cruauté, quand on attend trop de la vie.
Ce pourrait être juste ça, et ce serait déjà beaucoup. Mais Bergman y ajoute le poids du destin, terriblement pesant, en faisant de cette histoire un long flash-back. Dès la première séquence, il nous annonce la mort de cette femme qu’on ne connaît pas encore. Et la manière dont il amène le flash-back est superbe : un long travelling avant vers les cordes d’une harpe, et ces mots qui s’affichent, après l’image du deuil. « L’histoire de Sig et Martha commence sept ans auparavant, à l’automne… »
Dès cette première scène aussi, la musique est là, omniprésente et à contre-temps. Cet Hymne à la Joie tellement décalé, qui ouvre et clôt le film, et lui donne son titre… C’est aussi un film sur ce qu’est un artiste, et sur l’art comme quelque chose de déconnecté avec la vie, et les sentiments intimes.
Comme un symbole, Bergman confie le rôle du chef d’orchestre à Victor Sjöström, son mentor, l’autre grand cinéaste suédois, sorte de démiurge impuissant, qui observe et se désole plus qu’il ne dirige. C’est à lui aussi que Bergman « confie » le flash-back dans le flash-bask, lorsqu’il se met à raconter en voix off un épisode simple et magnifique de la vie de ce couple, une réconciliation d’après-dispute, muette et bouleversante.
Comme la vie, ou comme la musique, Vers la joie passe d’une émotion à l’autre, parfois dans le même mouvement. Pas un Bergman muet, sans doute, mais un Bergman juste et sensible, et musical…