Apocalypse Now (id.) – de Francis Ford Coppola – 1979 (Redux : 2001)
Un monument, bien sûr. Mais un monument comme il n’en existe pas tant dans l’histoire du cinéma : Apocalypse Now est une œuvre ultime, de ces films où la narration s’efface au profit de la sensation. Pas un meilleur film que Le Parrain par exemple, non, mais Coppola réussit une chose rare ici : faire vivre au spectateur l’espèce de transe dans laquelle lui-même semblait être au moment où il tournait le film, un voyage jusqu’au-boutiste aux frontières de la folie qui est aussi celui de son personnage principal, le rôle d’une vie pour Martin Sheen.
Des expériences comme celle-ci sont précieuses dans la vie d’un cinéphile. Découvrir Apocalypse Now trop jeune, ou dans de mauvaises conditions, peut faire passer à côté d’un film immense. Ça a été longtemps été mon cas, jusqu’à la sortie en salles de la version Redux, remontée par Coppola lui-même en 2001. Un choc sensoriel, plus qu’esthétique, qui n’aura d’équivalent dans ma vie de cinéphile que le Lost Highway de David Lynch et une poignée d’autres (Le Cheval de Turin de Béla Tarr ou la saison 3 de Twin Peaks… encore de Lynch).
Apocalypse Now est un film tellement immense que tout a été dit à son sujet. Rien de pertinent à ajouter, donc, si ce n’est cette expérience personnelle dont je ne me suis pas remis, vingt ans après. Du coup, ce n’est pas la toute nouvelle version « Final Cut » re-re-montée par Coppola l’année dernière que j’ai découverte, mais cette version Redux déjà si forte que j’ai revue. Son aspect hypnotique reste intact…
Dès les premières notes du fameux « The End » des Doors qui ouvre le film, nous voilà pris dans les vapeurs éthyliques de Willard, cet officier américain dont on ne peut que ressentir les effets qu’ont eu sur lui des mois passés au VietNam. Le film est fort, parce que Coppola ne prend jamais la tangente. Son sujet : c’est le voyage mental de Willard, cet Américain qu’on imagine sans histoire confronté à un monde devenu fou, à une violence quotidienne et grotesque.
On suit sa remontée du fleuve vers le territoire ennemi comme dans un état second, fasciné par la lumière et les sons comme hors du temps, halluciné par les outrances d’un officier grande gueule (Robert Duvall) qui aime rien tant que de balancer du napalm avant de lancer, d’un air soudain nostalgique : « un jour, tout ça s’arrêtera »… Cette adaptation si personnelle d’un roman de Joseph Conrad est devenu l’un des films les plus percutants sur le VietNam, et sur la guerre en générale.
Et un immense chef d’œuvre du cinéma, dont on ressort exsangue.
This is the end
My only friend
And all the children are insane
Waiting for the summer rain…