Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour juillet, 2020

Police Frontière (The Border) – de Tony Richardson – 1982

Posté : 19 juillet, 2020 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, RICHARDSON Tony | Pas de commentaires »

Police Frontière

Ça commence d’une manière assez ridicule, avec l’un des tremblements de terre les plus cheap de l’histoire des tremblements de terre au cinéma, filmé avec une série de gros plans et une caméra secouée de manière totalement artificielle. Tout pourri, donc, et totalement inutile qui plus est. Impardonnable, donc.

Tony Richardson avait-il vraiment besoin de cette entrée en matière dramatique et faussement spectaculaire, alors que toute la suite de son film privilégie les détails, les regards empathiques mais sans éclats ? Ben non, bien sûr. Ce début ne gâche pas le film, mais il diffère le plaisir qu’on y prendra, portant une sorte de doute sur les scènes qui suivent.

Cela dit, Richardson finit par rattraper le coup, et par instaurer un rythme bien différent, nettement plus convaincant, quand il adopte le strict point de vue de Jack Nicholson, flic qui ne rêve que de retourner à la surveillance des forêts et des canards, mais que l’avidité et l’égoïsme de sa gourde de femme conduit à la police aux frontières, entre les Etats-Unis et le Mexique.

Et là, ce type plein d’empathie et de bienveillance est confronté à la violence des situations, et à la corruption qui gangrène son unité (incarnée par Harvey Keitel). Forcé de participer, même passivement, à des actes déshumanisants. Entre le fiasco de son couple et le naufrage de ses idéaux, ce flic se raccroche à ce qu’il trouve : une jeune Mexicaine totalement paumée (Elpidia Carrillo, que l’on reverra dans Predator), dont il deviendra une sorte d’ange gardien.

Il y a des courses-poursuites, des bagarres, des fusillades même. Mais toutes, si percutantes soient-elles, sont expédiées en quelques plans, avec un sens de la précision particulièrement efficace. Pour Richardson, le polar, musclé et tendu, est l’occasion de filmer les « dos mouillés », de montrer ces Mexicains en quête d’un lendemain plus souriant, mais sans illusion, avec honnêteté et sans misérabilisme.

Son film, de ce point de vue, est une grande réussite. Il semble, presque quarante ans plus tard, plus actuel que jamais.

Osterman Week-end (The Osterman Week-end) – de Sam Peckinpah – 1983

Posté : 18 juillet, 2020 @ 8:00 dans * Espionnage, * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, LANCASTER Burt, PECKINPAH Sam | Pas de commentaires »

Osterman week-end

Dernier baroud pour Peckinpah, grand cinéaste en bout de course, rongé par l’alcool, la drogue, l’échec de ses derniers films, et un système hollywoodien qui ne lui convient pas. Convoi, son précédent film, est sorti cinq ans plus tôt ; lui mourra l’année suivante. Pourtant, Osterman week-end, film mal-aimé, est l’œuvre d’un cinéaste en pleine possession de ses moyens.

Évacuons d’emblée le détail le plus problématique : les ralentis, si typiques des scènes de violence chez Peckinpah. D’une manière générale, l’effet a vieilli. C’est particulièrement vrai ici, où une poignée de moments de bravoure flirtent dangereusement avec le kitsch. Le constat est d’ailleurs vrai de beaucoup de films de cette époque (me suis toujours pas remis du Fury de De Palma…).

Mais ceci mis à part, la mise en scène de Peckinpah est d’une précision et d’une originalité remarquables, sur ce qui est une pure commande, l’adaptation d’un roman de Robert Ludlum à l’intrigue faussement complexe, qui joue avec les codes du film d’espionnage pour déboucher sur quelque chose de différent : une critique du pouvoir des images, de la manipulation des médias.

Peckinpah fait de ce thème le pilier de son travail de réalisateur, multipliant les écrans à l’image : écrans pour observer, pour dialoguer, pour manipuler, pour tromper, pour détruire… C’est assez brillamment fait, et Osterman week-end annonce d’une certaine façon le Invasion Los Angeles de John Carpenter. Que ce dernier choisisse pour le premier rôle féminin Meg Foster, qui joue ici l’épouse de Rutger Hauer, n’est peut-être pas un hasard…

Le casting, globalement, est excellent : Hauer, Dennis Hopper, Craig T. Nelson, tous parfaits (et sobres), John Hurt surtout, formidable en espion détruit. Burt Lancaster aussi, dont la filmographie reste classe jusqu’au bout…

Le choix des acteurs était important, parce que le cœur du film, c’est un huis clos dans une villa où la tension grandit peu à peu entre les protagonistes, l’un étant chargé de manipuler ses trois amis, dont il a appris qu’ils étaient des traîtres au service des Russes. Et la tension, d’abord latente, finit bel et bien par exploser, dans une séquence de chasse nocturne assez bluffante.

Avec son dernier film, Peckinpah réussit son rappel. Il signe un thriller paranoïaque, humain, et tendu comme un arc.

Tokyo Joe (id.) – de Stuart Heisler – 1949

Posté : 17 juillet, 2020 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BOGART Humphrey, HEISLER Stuart | Pas de commentaires »

Tokyo Joe

Bogart qui descend d’un avion vêtu de son fameux trench-coat. Bogart (ex) patron d’un « joint » dans une ville étrangère sous occupation. Bogart décorant des yeux un ancien amour vêtu d’un smoking éclatant (noir en l’occurrence). Bogart mercenaire cynique qui révèle sa grandeur d’âme…

Oui, Tokyo Joe est, comme le sera Sirocco deux ans plus tard avec la ville de Damas, un film produit pour surfer sur la recette magique de Casablanca. la magie, ici, n’opère pas vraiment. À trop jouer sur la filiation entre les deux films, Stuart Heisler se retrouve confronté à l’inévitable jeu des comparaisons. Et perd sur tous les niveaux.

Tokyo Joe, cela dit, n’est pas un ratage total. Il y a même de vrais bons moments : l’arrivée dans le « Tokyo Joe » bar, la confrontation kafkaïenne à l’administration de l’occupant, ou le sauvetage de la fillette, particulièrement tendue dans une cave plongée dans l’obscurité.

Et puis, il n’y a pas tant de films américains que ça à montrer le Tokyo occupé de l’après-guerre. Le résultat est certes moins immersif que pour le Berlin de Berlin Express ou la Vienne du Troisième Homme. Mais le décor et la nostalgie qu’il véhicule sont parmi les bonnes idées du film.

Bogart est parfait, n’atténuant en rien les défauts d’un personnage qu’il ose rendre pathétique. Alexander Knox est formidable en mari sympathique et complexe, loin des stéréotypes du mari cocu. Le reste de la distribution n’est, hélas, pas à la hauteur. Sessue Hayakawa se contente de jouer sur sa propre image, et Florence Marly est totalement fade.

Le film, quand même, vaut pour le regard américain porté sur ce Japon de l’immédiat après-guerre, un peu paternaliste. Il semble cela dit que les plans tournés effectivement au Japon l’aient été par la deuxième équipe, sans les acteurs principaux. C’est sans doute ce qui explique l’effet en demi-teinte, et la différence flagrante avec des réussites comme La Scandaleuse de Berlin par exemple.

Friends and lovers / Le Sphinx a parlé (Friends and lovers) – de Victor Schertzinger – 1931

Posté : 16 juillet, 2020 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, SCHERTZINGER Victor | Pas de commentaires »

Friends and lovers

Deux amis officiers se retrouvent affectés dans le même poste reculé en Inde. Là, ils découvrent qu’ils sont amoureux de la même femme, restée à Londres… avec son mari tyrannique.

Une femme qui se partage entre trois hommes, et qui plus est en consommant ces trois relations… C’est du cinéma pre-code bien sûr : le genre d’histoires que la censure ne laissera plus passer dans les décennies qui suivent, en tout cas pas de manière si explicite.

C’est aussi les premières années du parlant, et la technique reste balbutiante. Le rythme du film en pâtit souvent, malgré sa courte durée (à peine 1 h 10). Chaque plan semble ainsi durer juste un poil trop longtemps, et les acteurs ne sont pas toujours très dirigés.

Heureusement, ils sont bons, ces acteurs. En tout cas les trois amants. Lily Damita a un petit côté Greta Garbo de seconde zone, mais elle est entourée de Erich Von Stroheim (plutôt bien salaud rigolard et cynique), Adolphe Menjou et Laurence Olivier, tout jeune et plein de fougue.

Victor Schertzinger, qui signe aussi la musique avec Max Steiner, réussit surtout les scènes les plus tendues. Celle du départ des soldats notamment, où le trouble et la colère de l’officier prennent la forme de spectaculaires ombres portées. Ou, dans un tout autre registre, le suspense autour du triangle amoureux dans le couloir du manoir. Sympathique rareté.

To Rome with love (id.) – de Woody Allen – 2012

Posté : 15 juillet, 2020 @ 8:00 dans 2010-2019, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

To Rome with love

Londres, Paris, Barcelone… Il ne manquait que Rome pour que Woody boucle son tour d’Europe de carte postale, avant de retourner requinqué aux Etats-Unis pour une série de chef-d’œuvre (qui commencera par Blue Jasmine).

Ce To Rome with love a par moments des allures de passage obligé, comme s’il se devait à l’Italie sans avoir grand-chose à y faire, finalement. Il opte donc pour une sorte de film chorale, où s’entrecroisent quatre intrigues indépendantes les unes des autres. D’où le mouvement général un peu branlant du film (plutôt inhabituel chez Woody), et surtout très inégal.

Lorsqu’il se met lui-même en scène, en metteur en scène à la retraite (forcément névrosé) qui décide de mettre à profit la voix du futur beau-père de sa fille, c’est du Woody plaisant, plein de bons mots. Un segment qui repose sur deux aspects. D’abord son propre personnage, dont on ne se lasse pas. Puis une idée qui est amusante deux secondes : le beau-papa en question ne sait vraiment chanter que quand il est sous la douche. Et non, Woody ne fait pas de miracle avec cette idée vaguement amusante.

Amusant aussi, le quiproquo qui anime un autre segment : un jeune homme fraîchement marié et franchement coincé doit faire passer une belle prostituée (Penelope Cruz) pour sa femme, tandis que cette dernière, toute innocente, découvre le frisson avec un célèbre acteur. Pas désagréable, mais une sérieuse impression de déjà-vu.

Quant à Roberto Benigni, son segment est carrément gênant, pauvre réflexion digne d’un enfant de 10 ans autour de la célébrité. Que ces scènes soient absurdes et pathétiques n’est pas si problématique que ça. Qu’elles soient si paresseuses et si bancales l’est davantage.

Heureusement, il y a l’histoire de cet architecte américain quinquagénaire, qui se balade sur les lieux où il a vécu trente ans plus tôt, et qui revit avec son double juvénile l’histoire d’amour qui l’a tellement marqué. Alec Baldwin est formidable face à son double Jesse Eisenberg, dialogue brillant et doux-amer d’où filtre une émotion intense, entre tendresse et nostalgie.

Ce segment-là est du niveau des meilleurs films de Woody Allen. Dommage qu’il n’en est pas fait le cœur unique de ce To Rome with love.

Mystic River (id.) – de Clint Eastwood – 2003

Posté : 14 juillet, 2020 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Mystic River

Cueilli, une nouvelle fois, par l’émotion si pure et si forte que Clint Eastwood parvient à créer dans ses meilleurs films. Et celui-ci en fait partie. Bien sûr, il y a le roman dont il est tiré, grand noir de Dennis Lehane (auteur décidément bien servi au cinéma, du Gone Baby Gone de Ben Affleck au Shutter Island de Scorsese), sorte de tragédie grecque dans les rues de Boston. Une base solide.

Encore fallait-il rendre justice au roman, et encore fallait-il ne pas en rajouter au risque de rendre la noirceur de l’histoire insupportablement lacrymale. Ce qui n’aurait pas été difficile. Mais non. Eastwood sait que l’histoire est forte, et qu’il n’y a nul besoin d’en rajouter… Alors il signe un film digne des plus grands réalisateurs classiques, sobre et élégant, tout en retenue et en discrétion. Un petit chef d’œuvre de mise en scène où le rythme se fait lent, et l’émotion larvée.

Une émotion qui est celle de ses personnages principaux, en fait, à fleur de peau, comme emprisonnée, et qui éclate soudain de manière spectaculaire. Ces personnages… Trois amis d’enfance abîmés par l’enlèvement de l’un d’eux quand ils avaient 11 ans, séquestré pendant quatre jours par des pédophiles… Des années après, la fille de l’un d’eux est assassinée ; le deuxième, devenu flic, est chargé de l’enquête ; le comportement du troisième, celui qui avait été enlevé gamin, fait de lui le suspect idéal.

Sean Penn, Kevin Bacon, Tim Robbins, trois grands acteurs, absolument remarquables devant la caméra de Clint, qui sait décidément tirer le meilleur de ses comédiens. Oscar (mérité) pour le premier, Oscar (mérité) pour le troisième. Et rien pour le deuxième, éternel oublié, mais dont la prestation moins spectaculaire, est tout aussi brillante. C’est même lui qui donne son liant au film, le plus lucide sans doute, sur la tragédie dont le trio d’amis a été victime tant d’années plus tôt.

Le reste de la distribution (Laurence Fishburne, Marcia Gay Harden, Laura Linney) est à l’avenant. On notera au passage l’apparition inattendue, dans une unique scène, d’Eli Wallach, qui retrouve Eastwood (pas à l’écran bien sûr) presque quarante ans après Le Bon, la brute et le truand. Forcément savoureux…

Mystic River est un grand film noir, aux images glacées aussi belles que sans joie, à la musique elle aussi tout en retenue (c’est Clint lui-même qui compose), à la fois incroyablement intense, et d’une délicatesse extrême. Un pur Clint Eastwood, et un grand cru.

Madame de Coventry / Par la chair et par l’épée (Lady Godiva of Coventry) – de Arthur Lubin – 1955

Posté : 13 juillet, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, EASTWOOD Clint (acteur), LUBIN Arthur, O'HARA Maureen | Pas de commentaires »

Lady Godiva

Le chemin d’une intégrale peut être jonché d’étapes dont on se serait bien passées… Celle de Clint Eastwood passe aussi par ses apparitions de jeunesse: trois plans très dispensables d’un Clint de 25 ans en soldat saxon, dans ce film en costumes dont on sent bien qu’il n’existe que pour l’unique scène sans costume.

On résume l’histoire… Dans une Angleterre où les tensions sont grandes entre Normands et Saxons, Lady Godiva épouse un prince saxon et le conduit à tendre la main à son ennemi de toujours. Punie par la faute d’un méchant Normand, elle accepte la sentence: chevaucher nue dans les rues de sa ville, persuadée qu’aucun Saxon ne lui fera l’affront de l’observer, et que ce respect convaincra le roi de la loyauté de son peuple.

Lady Godiva étant interprétée par Maureen O’Hara, en pleine gloire post-L’Homme tranquille (Victor McLaglen est d’ailleurs à l’affiche, lui aussi), et cette image de la jeune femme chevauchant nue servant d’affiche au film, l’intérêt commercial est tout trouvé… et tant pis si cette posture voyeuriste va à l’encontre du sujet même du film.

Pas une réussite, non. Scènes de combats mollement filmées, humour bas du front, personnages sans envergure… Maureen O’Hara est parfaite, dans un rôle qu’elle connaît par cœur, celui d’une jeune jeune épouse déterminée et joyeusement dominatrice. Mais le héros est joué par George Nader, assez mauvais et le charisme d’un coq. Son regard fixant désespérément ce lit conjugal qu’il rêve de rejoindre pourrait être savoureux, mais non.

Pas grand chose à se mettre sous la dent dans ce film paresseux, qui rappelle que, à quelques exceptions près, Arthur Lubin est un réalisateur franchement pas enthousiasmant. Et Clint Eastwood là-dedans ? Trois plans, dont un de nuit avec Maureen O’Hara.

Les Aventures d’un homme invisible (Memoirs of an invisible man) – de John Carpenter – 1992

Posté : 12 juillet, 2020 @ 8:00 dans 1990-1999, CARPENTER John, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Les Aventures d'un homme invisible

John Carpenter a souvent été tiraillé entre son désir d’indépendance et une attirance pour les studios… Sa filmographie oscille ainsi de l’un à l’autre. Après avoir retrouvé la folle inspiration de ses débuts avec les très libres Prince des ténèbres et Invasion Los Angeles, il faut pourtant attendre quatre ans avant de voir Carpenter retrouver sa place derrière la caméra, cette fois pour une pure commande de studio.

Et celui-ci est le plus « film de studio » de tous les films de studios de Carpenter. Pas un « John Carpenter’s Memoirs… » d’ailleurs, ce qui n’est pas un hasard. Bref. Carpenter, le brillant artisan de Fog, s’essaye une nouvelle fois à un cinéma de commande en bon soldat. Et le résultat laisse dubitatif.

Pas désagréable, ni ennuyeux, non. Il y a même un vrai souffle dans ce film, pas mal d’idées rigolotes, et une volonté de rendre hommage au Hitchcock de La Mort aux trousses : Kaplan et George sont des indices qui introduisent à cette histoire d’un homme ordinaire, plongé par hasard dans un thriller d’espionnage.

On peut aussi souligner la beauté de quelques travellings, forcément très « carpenteriens », ou évoquer la théorie de l’homme qui serait invisible pour la société (déjà au cœur de They live !, notamment). Bref, tenter de retrouver la patte du maître Carpenter. Et on trouverait bien quelques signes par ci, par là, bien sûr.

Mais quand même : le film vaut surtout pour le côté bricolo et inventif des trucages (l’homme invisible sous la pluie, très beau ; l’homme invisible faisant son jogging ou fumant une clope… bien foutu mais vain).

C’est en fait avant tout un véhicule pour Chevy Chase, acteur pas emballant, dont Carpenter semble ne pas savoir quoi faire. Sam Neill est pas mal en méchant très méchant. Mais son grand moment carpenterien est à venir : ce sera pour In the mouth of madness, autrement plus enthousiasmant.

David Golder – de Julien Duvivier – 1931

Posté : 11 juillet, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

David Golder

Qu’y a-t-il derrière la caricature ? Cette simple question est au cœur d’une grande partie de la filmographie de Julien Duvivier, immense cinéaste pour lequel le mot « humaniste » semble avoir été inventé.

David Golder, c’est un peu la caricature de l’homme d’affaires juif tel qu’il était pointé du doigt dans cette France de l’entre-deux-guerres : un homme avide et impitoyable, qui ne vivrait que pour amasser argent et pouvoir.

Ce richissime homme d’affaires capable de pousser son associé de longue date à la ruine et à la mort d’un simple « j’m’en fous », et qui n’a pour compagnon qu’un autre juif moins fortuné mais tout aussi caricatural, marchant sur la pointe des pieds pour ne pas user ses semelles, et passant un temps fou à éplucher sa poire pour ne rien en perdre…

Avec ce personnage de David Golder, Duvivier livre l’incarnation de cette caricature. Pour mieux montrer les fêlures et l’humanité pas si cachées que ça… Ce David Golder, qui n’a d’existence sociale qu’à travers cette caricature d’homme d’affaires richissime, c’est avant tout un homme en bout de course, un être seul et fatigué, qui n’aspire qu’à se débarrasser de tous les oripeaux de la caricature qu’on veut lui faire endosser.

« On », c’est-à-dire les parasites qui l’entourent : sa femme, sa fille, ses partenaires d’affaires… Tous ceux qui gravitent autour de lui et qui n’ont d’intérêt pour lui que pour l’argent et le train de vie qu’il leur assure. La fille chérie la première, insupportable profiteuse frivole dont il n’est d’ailleurs pas vraiment dupe.

Harry Baur est immense dans ce rôle, intense et tragique, impitoyable et bouleversant, rude et fragile. Un rôle à la mesure de sa démesure, en quelque sorte.

Dans ce premier film parlant, Duvivier tâtonne quelque peu pour associer le son à la force des images. Cela donne un film aux images hyper construites, dont la composition des cadres dit souvent plus que les dialogues, et au rythme parfois un peu bancal dans la première partie. Mais l’intensité d’Harry Baur et la force des images sont telles que David Golder impose d’emblée Duvivier comme un grand cinéaste du parlant.

Le Mystère Von Bulow (Reversal of Fortune) – de Barbet Schroeder – 1990

Posté : 10 juillet, 2020 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, SCHROEDER Barbet | Pas de commentaires »

Le Mystère Von Bulow

Barbet Schroeder, compagnon de la Nouvelle Vague, ne me passionne jamais autant que quand il s’attaque au film de genre. Avec Le Mystère Von Bülow, il signe un excellent film de procès… en évitant soigneusement tous les passages obligés du genre, toutes les scènes du procès lui-même.

Inspiré d’une histoire vraie, certes, et qu’importe, le film se défait d’emblée de tout ancrage dans la réalité, en adoptant le point de vue de la victime. Un peu à la manière d’un Sunset Boulevard, mais en prenant le parti de ne pas tout livrer, de garder une part d’ombre, et de ne donner au final que des témoignages parcellaires, et discutables.

C’est même tout le sujet de ce film, qui évoque le procès en appel d’un riche homme accusé d’avoir voulu tuer sa femme, plongée depuis dans un coma irréversible : Barbet Schroeder met en scène le doute, l’incompréhension, potentiellement le mensonge… Von Bülow est un homme profondément antipathique. Soit parce que c’est un pervers manipulateur, soit parce que c’est un être froid et insondable qui ne laisse rien transpirer de ses émotions. L’un ou l’autre.

Jeremy Irons est extraordinaire dans ce rôle pas aimable, avec cet air de distinction rigide et supérieure, que traversent quelques éclairs d’une possible fêlure. Rien que son accent, exagérément élégant, désarme et crée le malaise. Glenn Close est parfaite aussi en victime pathétique. Tout comme Ron Silver, formidable en avocat humaniste que son client ramène régulièrement à sa judaïté.

Coupable ou innocent ? Bien sûr, la question est centrale dans ce film de procès. Mais on sent bien que Schroeder n’a pas la réponse. Et c’est ce doute qui est au cœur du formidable scénario de Nicholas Kazan (le fils d’Elia), d’une intelligence rare. C’est ce doute qui rend le personnage si passionnant, et qui fait de Claus Von Bülow l’un des éléments centraux de Schroeder dans sa quête de l’être machiavélique, centrale dans sa filmographie.

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