Un pacte avec le diable (Alias Nick Beal) – de John Farrow – 1949
Un film noir qui s’annonce comme relativement classique, et qui glisse lentement vers le fantastique, devant une sorte de version moderne du mythe de Faust… Pas si courant, et en l’occurrence enthousiasmant, pour la manière dont John Farrow s’approprie ce double genre du film noir et du pacte avec le diable.
Farrow… Grand réalisateur mésestimé dont chaque découverte depuis The Big Clock confirme qu’il est un cinéaste majeur. Et méconnu, donc. C’est flagrant dans Alias Nick Beal, où il crée une tension énorme, dans des séquences hyper stylisées et en même temps totalement ancrées dans une réalité parfois poisseuse.
Les scènes qui se déroulent sur les docks, surtout, décors minimalistes et miséreux baignés de brume, que Farrow filme avec une caméra légèrement penchée, sont de grands moments où l’extrême réalisme et le mystère le plus déstabilisant sont intimement liés. Toutes les figures habituelles du film noir sont là : corruption, femme fatale, suspense, rachat… La manière dont Farrow y insuffle une touche de fantastique est d’une précision et d’une efficacité totales.
Thomas Mitchell est parfait en procureur intègre qui accepte une petite compromission, qui ouvre la porte à d’autres, symbole qui pourrait être caricatural de l’homme détruit par l’ambition. Mais non, rien de caricatural. Au contraire, il y a dans ce film une justesse totale, à la fois dans les relations de Mitchell avec sa femme, ou dans le portrait de cette jeune paumée tentée par le luxe facile, que joue Audrey Totter.
Le personnage joué par Ray Milland, le fameux « alias Nick Beal », est forcément plus casse-gueule. Il est glaçant ! Le jeu légèrement outré de Milland, ses apparitions systématiquement fantomatiques (sortant de l’ombre d’un autre personnage, d’un rideau, d’un recoin…), sont inoubliables. Parti pris assez audacieux pour un très grand acteur.
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