La Fête à Henriette – de Julien Duvivier – 1952
Un réalisateur et son scénariste, dont le dernier projet a été refusé par la censure, imaginent l’histoire de leur prochain film. Ils cherchent l’inspiration, tâtonnant, s’imaginant piocher dans les faits divers des journaux… « Et pourquoi pas raconter la rivalité entre un prêtre et un maire communiste ? » ironisent-ils, savoureux clin d’œil au Don Camillo que Julien Duvivier vient de réaliser, et que Henri Jeanson n’a pas écrit…
Duvivier et Jeanson, deux très grands auteurs qui s’amusent d’eux-mêmes dans ce film d’une grande liberté, clin d’œil plein d’auto-dérision et d’ironie au cinéma comme un travail d’artisans, ou de grands enfants… Les deux auteurs racontent une histoire d’amour contrariée. L’un est tenté par le sensationnalisme, l’autre plus fleur bleue. Le premier veut du drame et des rebondissements, le second la simplicité de la vie…
Et le film, comme ça, fait des allers-retours, prend des impasses, commence et recommence, retourne en arrière, prends des recoins improbables… La jeune Henriette (Dany Robin, craquante) abandonne son fiancé, rencontre un type entreprenant (Michel Auclair), Marcel… ou plutôt non : Maurice. Un salaud… Ah non ! un paumé sympathique…
Bien sûr, La Fête à Henriette ne ressemble à aucun autre film. Duvivier donne corps aux fantasmes de ses auteurs-personnages en épousant leur fièvre. Lorsque l’un d’eux se passionne pour une idée, il insiste sur la stylisation, à grands coups de plans de travers, de travellings vertigineux.
Avec La Fête à Henriette, on a l’impression de voir Duvivier et Jeanson au travail, ce que confirme le génial générique final, avec un Michel Auclair face caméra. C’est par moments un peu en roue libre, le plus souvent génialement brillant. Et un miracle se produit : on s’attache, oui, à ces personnages aux caractéristiques pourtant incertains, qui changent parfois radicalement d’une scène à l’autre…
Mais derrière toutes ces hésitations des scénaristes, il y a une ligne directrice. Les choix changeants des auteurs n’y font rien, comme ils le disent eux-mêmes : il y a toujours un moment où les personnes ont leur vie propre. La force du cinéma…
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