Les Proies (The Beguiled) – de Don Siegel – 1971
Grande année pour Clint Eastwood, 1971 : il passe pour la première fois derrière la caméra (Un frisson dans la nuit), trouve le personnage qui fait définitivement de lui une immense star (Dirty Harry), et casse son image avec le plus sombre et le plus audacieux de ses rôles jusqu’alors, avec ces Proies.
Point commun entre ces trois films : Don Siegel, qui apparaît dans le premier et réalise les deux autres. Et lui aussi, comme son interprétation, surprend avec ce film qui tranche radicalement (sans jeu de mots pourri) avec ses grands polars ou même ses westerns… Les Proies se situe durant la guerre de Sécession. Mais de cette guerre, on ne verra que quelques photos noir et blanc sur le générique de début, quelques brefs souvenirs comme des flashs, le bruit des canons au loin, et cette menace constante qui resserre l’action dans l’enceinte de cette école de jeunes filles en territoire sudiste.
C’est là qu’échoue le caporal nordiste joué par Clint. Un sale type, menteur, profiteur, manipulateur… et très satisfait de lui-même. Un homme blessé, qui va semer le trouble dans cette petite communauté féminine qui l’a recueilli pour le soigner.
Dès la première scène, sa méthode est claire. À la fillette qui l’a trouvé en sang, et qui lui annonce qu’elle a 12 ans, bientôt 13, il rétorque qu’elle est bien assez grande pour être embrassée… avant de joindre les actes à la parole. Et quand, à la fin de la journée, il fait le compte des filles et femmes qu’il a embrassées, son sourire satisfait semble annoncer la suite, dramatique.
Siegel fait de cette pension un décor de plus en plus oppressant. La première partie de son film est lente, languide, faussement apaisée. À l’image de la directrice jouée par Geraldine Page, la bienveillance et la bonté affichées cachent des recoins nettement plus sombres : une relation incestueuse avec son frère, un traumatisme parental… Des fantômes dont on sent bien qu’ils ne vont pas tarder à exploser.
Clint, lui, ne voit rien venir. Et la seconde partie est pour lui une véritable descente aux enfers, sorte de sommet dans la logique masochiste de l’acteur, d’une intensité à laquelle on ne s’attendait plus. La scène de l’amputation, surtout, reste un moment particulièrement traumatisant, tout comme le dîner final, glaçant.
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