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Archive pour mai, 2020

La Scandaleuse de Berlin (A foreign Affair) – de Billy Wilder – 1948

Posté : 16 mai, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, WILDER Billy | Pas de commentaires »

La Scandaleuse de Berlin

Treize ans avant Un, deux, trois, Wilder posait déjà ses caméras dans le Berlin de l’après-guerre. Mais cette fois-là, dans l’immédiat après-guerre. Pas encore celui de la reconstruction, ni même des deux Allemagnes : celui d’un Berlin en ruines, occupé par les troupes des différentes armées vainqueurs.

Ce n’est pas le premier film effectivement tourné dans les ruines de Berlin. Mais ce Wilder est l’un des plus impressionnants. Ne serait-ce que pour son aspect documentaire, la vision qu’il offre de cette capitale ravagée et de sa population dépendante du marché noir, le film est important.

Il l’est aussi, tout simplement, parce que c’est une grande réussite où l’humour léger, le cynisme et la gravité de Wilder se retrouvent autour d’un triangle amoureux décapant : la chanteuse de cabaret au passé trouble (Marlene Dietrich, qui d’autre), l’officier américain un peu magouilleur et beau parleur (John Lund, très bien), et la congresswoman trop guindée, venue explorer le oral des troupes américaines.

Jean Arthur, dans un rôle qu’on image comme un clin d’œil à M. Smith au Sénat, est une grande actrice comique. Irrésistible quand elle met trois plombes à plier ses lunettes avant de daigner jeter un œil aux ruines que son avion survole. Hilarante quand elle se fait passer pour une « Gretchen » écervelée. Touchante quand, totalement bourrée, elle s’abandonne à celui qu’elle aime. Et puis tragique et superbement filmée, profil sombre couvert d’ombre, lorsqu’elle réalise la tromperie…

C’est avant tout à travers son regard qu’on découvre la vie de ce Berlin exsangue. Wilder sait lui donner de la vie et de la gravité dans le même mouvement. Les scènes dans le cabaret, surtout, sont absolument magnifiques, caves sombres toutes en ombres et en recoins, dont Wilder fait un écrin sur mesure pour Marlene, fascinante comme toujours. Fascinante et troublante, parce que le scénario (co-écrit avec le fidèle Charles Brackett) ne l’épargne pas, et n’atténue pas la responsabilité individuelle au nom de la responsabilité collective.

Une comédie, oui, mais grave et profonde. Un grand cru de Wilder.

Les Forbans du désert (Ambush at Tomahawk Gap) – de Fred F. Sears – 1953

Posté : 15 mai, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, SEARS Fred F., WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Forbans du désert

Tout juste sortis de prison, où ils ont passé cinq ans, quatre hommes partent chercher le magot qu’ils ont eu le temps de planquer. Ils arrivent dans une ville fantôme d’où l’argent semble s’être évaporé, et où les Apaches ne tardent pas à les menacer…

Cette ville fantôme, c’est franchement le personnage principal de ce petit western de série : son décor principal, au moins dans la seconde moitié, et la raison d’être du film. D’ailleurs, après une première partie pas désagréable, mais confuse et convenue, le film s’emballe dès l’arrivée dans cette ville fantôme.

Une arrivée balayée par une tempête de vent et de sable, qui dramatise joliment la tension déjà palpable entre les protagonistes. Ces derniers retournant chaque planche de la ville en ruines est aussi une image assez mémorable, et rare dans le western.

Le plaisir repose aussi sur de petits détails, parfois anodins. Les quatre repris de justice rentrent dans le saloon au début du film : le plan est tourné de derrière le bar, avec une caméra suffisamment basse pour cadrer les bouteilles alignées. Un plan qui semble anodin, mais qui resurgit dans le bar-fantôme, où les personnages se souviennent tristement des bouteilles alignées.

Passons rapidement sur le personnage d’Indienne Navajo, jouée par Maria Elana Marquès, dont la présence n’est justifiée que pour avoir une femme au générique : une femme très souriante, parfaitement maquillée, et très aimante. Mouais… Les hommes sont nettement mieux dotés. John Derek, très bien en jeune loup, et surtout John Hodiak, sale type plus nuancé qu’à l’accoutumée, particulièrement frappant quand on le voit se désespérer d’être coincé sans même pouvoir payer ses dettes.

Inégal et imparfait, ce western de série B est plein de ces petits détails réjouissants (jusqu’au sacrifice final, inattendu). Un film bref, mais intense.

L’Homme de Rio – de Philippe De Broca – 1964

Posté : 14 mai, 2020 @ 8:00 dans 1960-1969, DE BROCA Philippe | Pas de commentaires »

L'Homme de Rio

L’une des inspirations de Lucas et Spielberg pour Indiana Jones… La meilleure adaptation des aventures de Tintin… Le plus grand film d’aventures du cinéma français… L’Homme de Rio, c’est tout ça à la fois : un pur de plaisir de cinéma qu’il faut apprécier comme une sucrerie, généreuse et décomplexée.

L’histoire est simple : un jeune militaire profite d’une permission pour aller voir sa fiancée. Après avoir assisté à son enlèvement, il poursuit les kidnappeurs jusqu’au bout du monde… à Rio, où il arrive sans autre bagage que sa volonté et son dynamisme. Simple, et entièrement tournée vers l’action, la vitesse, l’humour.

Et quel rythme! Dès sa descente du train, au tout début du film, Belmondo semble ne plus s’arrêter de courir. Il roule, vole, bondit, s’accroche, nage… et surtout il court, il court, il court. Il faut essayer de se remettre dans l’époque : Belmondo avait certes déjà tourné Cartouche (déjà de Philippe De Broca), deux ans plus tôt. Mais il était alors un acteur plutôt cérébral, petit chéri de la Nouvelle Vague. C’est dans ce film qu’il devient, vraiment, un acteur physique.

A le voir si dynamique, si plein de vie, si évidemment physique, on se demande bien pourquoi De Broca a été le seul à lui proposer de tels rôles, ces années-là. Le réalisateur donne un rythme extraordinaire, quasiment sans pause. Mais le film n’aurait pas été aussi réussi sans Belmondo, sans cette manière de déclamer ses répliques en en faisant un peu trop, mais toujours avec naturel, sans son dynamisme surtout.

Et puis surtout, sans le couple qu’il forme avec Françoise Dorléac, brûlante, insupportable et irrésistible : la plus grande et la plus charmante casse-couilles du cinéma français, incontestablement. Elle est à baffer, et on a envie de l’embrasser. On se sent donc tellement proche du personnage de Belmondo…

Film généreux et réjouissant, L’Homme de Rio est donc, aussi, la meilleure adaptation de Tintin (avec Le Mystère de la chambre jaune de Podalydès peut-être). Comme dans Les Tribulations d’un Chinois en Chine, sa collaboration suivante avec Belmondo, De Broca construit son film comme une série de références plus ou moins évidentes à l’univers d’Hergé, rythme et esprit compris.

Dès le cambriolage dans le musée, qui ouvre le film (et que citera en retour le dessin animé Tintin et le lac aux requins), les références sont omniprésentes, de la statuette de L’Oreille cassée à la momie aztèque des 7 boules de cristal. Belmondo s’accrochant à la façade d’un immeuble rappelle Tintin en Amérique ; le même qui manque de se faire croquer par un alligator renvoie à Tintin au Congo ; la capote de la voiture s’envole comme dans L’Or noir ; trois parchemins superposés révèlent un message caché comme dans Le Secret de la Licorne… Jusqu’aux Indiens d’Amazonie expulsés de leur forêt qui évoquent ceux de Tintin en Amérique

On pourrait continuer longtemps la liste des clins d’œil. Un petit jeu des ressemblances qui contribue au plaisir, immense, qu’on prend à revoir et revoir ce film qui n’a rien perdu de son incroyable rythme.

Les Feux de la rampe (Limelight) – de Charles Chaplin – 1952

Posté : 13 mai, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, CHAPLIN Charles, KEATON Buster | Pas de commentaires »

Les Feux de la rampe

Les Feux de la rampe aurait sans doute été le plus beau des adieux pour Chaplin, une manière assez parfaite pour lui de refermer le rideau avec un drame, ou une comédie amère et pourtant douce, remplie d’évocations de son propre passé. Il fera finalement deux films de plus, on ne s’en plaindra pas…

C’est quand même le dernier sommet de sa carrière, le plus nostalgique de ses films aussi, mais d’une nostalgie à sa manière : à la fois très consciente du temps qui passe, et tournée vers les autres, vers la génération qui arrive tandis que lui est au crépuscule de sa carrière et de sa vie.

Chaplin y joue Calvero, un clown célèbre dont le personnage fétiche (un vagabond, tiens) a marqué des générations de spectateurs, mais qui a perdu le contact avec le public. Et tiens, le film arrive cinq ans après Monsieur Verdoux, premier film post-Charlot, que le public avait rejeté. De là à dire que Chaplin livre ses propres angoisses de ne plus être en phase…

Les signes, comme ça, sont à peu près partout. A commencer par le numéro de puces savantes, sketch sympa mais vieillot, que Chaplin avait déjà tourné en 1919 pour un film, The Professor, qu’il n’avait pas terminé. Comme si lui-même savait déjà que le numéro n’était pas à la hauteur de son talent.

Ce n’est pas un hasard non plus si l’histoire se déroule à Londres, là où Chaplin a grandi. Et en 1914, l’année de ses débuts devant une caméra. Pas un hasard non plus si la jeune danseuse qu’il sauve et qui se croit amoureuse de lui, finira vraisemblablement dans les bras d’un musicien joué par un certain Sidney Chaplin, le fils de…

Sans être autobiographique, Les Feux de la rampe est un film profondément personnel pour Chaplin, à la fois léger et grave. Capable, comme toujours, d’enthousiasme hilarant et de pleurs, dans le même mouvement. Mouvement particulièrement vif : Chaplin, cinéaste, est à son sommet dans ce film, notamment pour toutes les scènes se déroulant dans les coulisses du théâtre, brillantes.

Chaplin s’offre aussi un moment comique d’anthologie, premier (et unique) tandem avec Buster Keaton, son vieux rival du muet, qui a de beaux restes : il le prouve dans un numéro au piano pour le coup vraiment drôle. Sorte de chant du cygne avant les larmes. Mais le rideau ne retombe pas. « L’éclat des feux de la rampe, que doit quitter la vieillesse quand la jeunesse entre en scène », ne faiblit pas…

Uniformes et jupons courts (The Major and the Minor) – de Billy Wilder – 1942

Posté : 11 mai, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, WILDER Billy | Pas de commentaires »

Uniforme et jupons courts

Ray Milland troublé devant le charme d’une ado de 12 ans… Pour son premier film américain (huit ans après son très réussi coup d’essai français, Mauvaise Graine), Wilder signe une comédie pleine de rythme, mais aussi très politiquement incorrecte.

Certes, l’adolescente en question n’en est pas vraiment une, mais une jeune femme qui se retrouve prisonnière de son déguisement (qu’elle a choisie pour économiser sur le prix de son billet de train). Mais quand même… Derrière l’irrésistible regard de son œil paresseux, Milland se surprend peu à peu à voir celle qu’il prend pour une gamine comme si elle était une vraie femme. Et son trouble est communicatif.

Brillante comédie, qui repose sur le rythme bien sûr, mais aussi sur la sa prestation de son actrice principale, Ginger Roger, décidément très grande actrice de comédie, capable de singer les manières adolescentes tout en restant une vraie femme, jusqu’au bout des ongles, et sans jamais en faire trop.

Qu’elle écrase un œuf sur la tête d’un New Yorkais trop insistant (Robert Benchley), qu’elle passe des bras d’un très jeune cadet à ceux d’un autre, ou qu’elle tente d’échapper aux suspicions de deux contrôleurs de train, elle est d’un naturel formidable, à la fois pleine de vie et lasse du regard des autres.

Face à Ray Milland, cet « oncle Philip » qui la prend sous son aile en toute innocence (du moins s’en convainc-t-il), elle fait des étincelles. Son regard s’agrandit, son sourire s’élargit. Entre eux, l’histoire d’amour est amorale, indéfendable (du moins d’un côté). Wilder s’en amuse, se moque de la morale comme il le fait souvent. The Major and the Minor porte en germes tout ce qui fait la réussite de ses grands films à venir. Réjouissant.

L’Aigle (Sky High) – de Lynn Reynolds – 1922

Posté : 10 mai, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, REYNOLDS Lynn, WESTERNS | Pas de commentaires »

Sky High

Tom Mix est un policier des frontières, chargé de démanteler un réseau d’immigration clandestine entre les Etats-Unis et le Mexique, dans ce western à peu près contemporain. Beaucoup de chevaux donc, dans ce film, mais aussi des automobiles et un avion… Bienvenue dans le Far West de 1920…

Bon, la première chose qui frappe les esprits en voyant le film, ce ne sont pas les modes de transports du 20e siècle (même si une voiture apparaît dès la toute première scène), mais la légèreté avec laquelle le film évoque le sort des immigrés : des Chinois en l’occurrence, dont le rôle se limite à quelques apparitions rigolardes pas loin d’être franchement humiliantes.

C’est donc sur une note un peu dégueulasse que s’ouvre ce western à l’histoire par ailleurs très convenue. Une histoire dont on ne contrefiche très vite, tout comme on se désintéresse du sort des personnages principaux, que ce soit celui de Tom Mix ou cette jeune femme perdue sur une corniche du Grand Canyon (c’est une longue histoire).

Ce qui compte en revanche, et là où le film marque des points, c’est justement dans sa manière d’utiliser les spectaculaires décors réels du Grand Canyon. Plusieurs intertitres au début du film l’annoncent : c’est lui, le Grand Canyon, qui sera l’acteur principal de Sky High. C’est la raison d’être de ce western, autoproclamé premier film tourné dans ce décor spectaculaire.

Pas vérifié la véracité de cette auto-proclamation, et qu’importe. Le fait est que, l’introduction mise à part, chaque plan semble conçu pour utiliser la profondeur de ce canyon, son aspect dramatique et spectaculaire. La jeune femme filmée sur sa corniche avec le danger en contrebas, Tom Mix fuyant ses ennemis en utilisant les accidents du paysage… L’utilisation de ce décor naturel tient toutes ses promesses.

Etait-ce vraiment nécessaire d’y rajouter une cascade en avion ? Pas sûr. Les scènes aériennes, alternant des plans larges en décor naturel et des gros plans en studio ont, pour le coup, nettement plus vieilli que les scènes plus simples dans le canyon. Et la simple vision d’un avion surplombant ce canyon n’a sans doute pas la force qu’elle avait sur les spectateurs de 1922.

Au final : un film discutable sur le fond. Mais le fond étant vite évacué, un vrai plaisir en tant que pur film d’action, porté par un Tom Mix en pleine forme.

Monsieur Verdoux (id.) – de Charles Chaplin – 1947

Posté : 9 mai, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, CHAPLIN Charles | Pas de commentaires »

Monsieur Verdoux

Sept ans : c’est le temps qu’il a fallu à Chaplin pour envisager l’après-Charlot. Le Dictateur marquait la fin d’une époque pour lui. Conscient des bouleversements irrémédiables dans le monde, impossible pour Chaplin d’imaginer une suite aux aventures d’un personnage universel comme l’était Charlot…

Monsieur Verdoux n’est pas pour autant une rupture totale pour Chaplin. Plutôt sa manière de représenter sa vision de l’évolution de la société. Dans la plupart de ses films, depuis ses débuts, Chaplin a fait de son personnage un symbole de l’individu confronté à une société impitoyable. La société l’est plus que jamais, impitoyable, son personnage aussi, en toute logique.

Poète naïf et politique, Chaplin fait donc de son film, consacré à un tueur de femmes, un brûlot pacifiste à sa manière. Il fallait oser. Verdoux, sur le point d’être condamné à mort, fustige la société : tuer quelques femmes fait de vous un monstre, mais tuer des milliers de personnes fait de vous un héros. Ou : comment une société qui tue en masse peut-être condamner un homme qui tue pour nourrir sa famille.

On peut quand même comprendre qu’avec un tel discours, Chaplin ait choqué une partie de l’Amérique qui n’a pas voulu voir l’ironie cynique du film, surtout cette Amérique qui lui reprochait déjà des sympathies communistes (qui lui vaudront d’être banni cinq ans plus tard). Avec ce film, Chaplin affiche en tout cas un cynisme immense, audacieux et inattendu.

C’est Orson Welles qui a soufflé à Chaplin l’idée du film : cette comédie amère inspirée de l’affaire Landru. Chaplin, pour son premier rôle post-Charlot, incarne un homme une fois de plus victime de son époque. Un honnête employé de banque qui, privé de son emploi en pleine crise financière, épouse et trucide d’abominables veuves pour les dépouiller de leurs fortunes.

Il y a un ton singulier dans Monsieur Verdoux, et une vraie poésie, flagrante notamment dans la terrible scène de l’escalier : plan fixe et nu durant lequel un meurtre est commis, et qui ne nous donne à voir qu’un paysage de soleil levant… Tout est là, dans ce plan plein de vie.

Chaplin n’édulcore pas la réalité des faits : son Verdoux est un tueur froid, sensible à la poésie de certaines situations, à la beauté de certaines personnes, mais assez froid pour préparer méticuleusement un meurtre et décider qui a le droit de vivre ou non.

Monsieur Verdoux est une comédie qui met franchement mal à l’aise, une œuvre profondément cynique et violemment politique. Chaplin prend ses distances avec l’universalité de son cinéma d’autrefois. Dans cette Amérique maccarthyste et dans le monde de l’après-guerre, son film a l’effet d’une bombe. Plus de soixante-dix ans après, l’effet reste spectaculaire.

Les Ailes du désir (Der Himmel über Berlin) – de Wim Wenders – 1987

Posté : 8 mai, 2020 @ 8:00 dans 1980-1989, FANTASTIQUE/SF, WENDERS Wim | Pas de commentaires »

Les Ailes du désir

Un ange qui renonce à sa condition par amour, et qui décide de devenir un mortel parmi les autres… Le sujet pourrait donner un mélo bien baveux. Ça sera d’ailleurs le cas avec le « remake » américain qu’en tirera Brad Silberling (La Cité des anges, avec Nicolas Cage). Il pourrait aussi donner une réflexion pompeuse sur l’humanité, la vie, l’amour, la mort…

Mais non. Wim Wenders, alors au sommet de son art (il sort de sa Palme d’Or américaine pour Paris Texas), fait de ce thème la matière à un portrait assez fascinant de Berlin, celle ville-monde encore coupée en deux, filmée sans afféterie mais sans misérabilisme, dont Wenders semble capter comme personne l’âme profonde, l’humanité à tous les coins de rue.

Elle est assez laide, cette ville, encore toute marquée par la guerre et la reconstruction (physique et morale). Mais Wenders la filme avec une tendresse inattendue, d’une sincérité troublante pour un cinéaste dont on savait déjà le rapport difficile qu’il avait son Allemagne, dont il n’a cessé de s’éloigner à travers ses films. Pas là, pas avec ses Ailes du désir.

Difficile de parler de déclaration d’amour avec ce film. Wenders filme des ruines, des blocs de béton, un mur hideux qui coupe la ville comme une cicatrice. Il filme des êtres abîmés, des paumés, des terrains vagues, des caves… Rien de glamour, rien de glorieux, mais une ville vivante et pleine d’une simplicité et d’une vérité souvent bouleversantes.

Le regard des anges Damiel (Bruno Ganz, merveilleux) et Cassiel (Otto Sander, qui aura le rôle central de la suite, Si loin si proche) permet d’adopter un point de vue omniscient, vertical, passant d’un personnage important à une simple silhouette, donnant de beaux plans surplombant la ville… Une vision fantasmée de documentariste, en quelque sorte, magnifiée par le noir et blanc.

Beau film que traverse Bruno Ganz avec un mélange d’évanescence et de passion, et un regard d’une douceur absolue. On y croise Peter Falk, dans son propre rôle et lui aussi très touchant, mais aussi un tout jeune Nick Cave, alors dans sa période berlinoise, lorsqu’il écumait les clubs de la ville. Ce film a contribué à faire connaître le chanteur d’un public plus large.

Ne serait-ce que pour ça, et pour cette superbe séquence de concert où Damiel devenu humain rencontre enfin sa belle trapéziste (Solveig Dommartin, dans le rôle de sa vie), tandis que Nick Cave et ses Bad Seeds se produisent sur scène, Les Ailes du désir est un film important…

Glass (id.) – de M. Night Shyamalan – 2019

Posté : 7 mai, 2020 @ 8:00 dans 2010-2019, FANTASTIQUE/SF, SHYAMALAN M. Night | Pas de commentaires »

Glass

Relancé par le succès de Split, Shyamalan enchaîne avec la suite directe, qui est aussi celle d’Incassable, sans doute son meilleur film, sorti près de vingt ans plus tôt et longtemps privé de suite faute d’avoir trouvé son public en salles.

Le premier racontait la naissance d’un super-héros, le deuxième celle d’un super-vilain… C’est donc la confrontation des deux que raconte Glass, conclusion plutôt maline d’une trilogie cohérente, dont on comprend sur le tard à quel point ses trois piliers sont complémentaires.

« Ça a toujours été une origin story », clame Elijah, l’homme aux os de verre que joue Samuel L. Jackson, comme dans le film de 2000. Et il sait de quoi il parle, grand manipulateur et révélateur de la nature véritable de « ses » créatures. Une sorte d’alter ego machiavélique du réalisateur, grand ordonnateur dont on ne comprend qu’à la toute fin (forcément, c’est Shyamalan) toute la dimension de son entreprise.

Shyamalan parvient donc encore à surprendre, et réussit en grande partie son film. En grande partie seulement, parce qu’il a un peu trop confiance en la fascination que peuvent exercer les multiples personnalités de Kevin, l’anti-héros de Split joué par James McAvoy. Il y a notamment une bonne demi-heure centrée sur la Bête et ses avatars qui lasse franchement, la surprise du film précédent étant passée.

Le plaisir de revoir Bruce Willis dans ce rôle est en revanche grand. Retrouver le personnage bien sûr, mais aussi retrouver l’acteur dans un film digne de ce nom. Le prolongement d’un plaisir vieux de vingt ans, c’est déjà beaucoup…

Sept ans de réflexion (The Seven Year Itch) – de Billy Wilder – 1955

Posté : 6 mai, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, WILDER Billy | Pas de commentaires »

Sept ans de réflexion

C’est sans doute l’image la plus célèbre de Marylin Monroe, le symbole du glamour : l’actrice dont la spectaculaire robe blanche vole sur ses jambes largement dénudées, en passant au-dessus d’une grille de métro… Une image sexy en diable, autour de laquelle toute la promotion du film était (et est toujours) axée…

Sexy ? Glamour ? Innocente, surtout… Cette scène, mieux peut-être que toute autre, illustre le personnage purement innocent de Marylin, inconsciente de l’effet que provoque sa beauté et son corps si plein sur les hommes.

Véritable fantasme malgré elle… Le contraste entre l’innocence de la dame et l’image qu’elle dégage donne, comme souvent dans sa carrière, les plus beaux moments de 7 ans de réflexion. La manière dont elle évoque ses sous-vêtements gardés au frigo, ou sa mésaventure dans la baignoire, et le visage de Tom Ewell qui se décompose au fur et à mesure que des images mentales se forment…

Tom Ewell, homme marié dont la femme et le fils sont partis passer l’été à la campagne (belle scène d’au-revoir, avec ces baisers contrariés), le laissant seul dans un New York surchauffé, seul avec ses fantasmes masculins. Le film est tiré d’une pièce triomphale dont Ewell fut la star. D’où, sans doute, l’aspect très bavard du film, Ewell passant l’essentiel de ses scènes solo à parler seul, comme une voix off, mais pas off. C’est assez drôle, souvent, mais le procédé est aussi un peu lourd, et rappelle bien plus l’origine théâtrale que l’unité de lieu, presque respectée.

Assez magique quand Marylin Monroe est à l’écran, le film manque un peu d’allant quand Tom Ewell est seul. Pas grand-chose à lui reprocher, mais sans doute n’a-t-il simplement pas l’aura d’un grand acteur de cinéma…

Le film est en tout cas un bon exemple qui prouve que Wilder est aussi un grand cinéaste, et pas juste un grand scénariste. Il y a dans son film une vivacité, une richesse formelle remarquable, avec quelques trucages (simples) et surimpressions plutôt rares dans sa filmographie, qui donnent réellement forme aux fantasmes d’Ewell. Irrésistibles fantasmes…

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