Copie conforme – de Jean Dréville – 1947
Entre deux très grands films (Les Amoureux sont seuls au monde et Quai des Orfèvres), qu’il enchaîne ces années-là, Louis Jouvet s’offre une récréation qui a dû être franchement jouissive à tourner : une fantaisie entre polar et comédie, qui lui permet de se glisser dans la peau d’un vieux duc, d’un déménageur normand, d’un collectionneur de bijou ou d’un modeste marchand de boutons…
En fait, il ne tient « que » deux rôles : celui d’un escroc roi du déguisement, et celui de son sosie trop effacé. Soit un manipulateur cynique et superbe, et un timide mal dans sa peau. Deux opposées que Jouvet interprète avec une même intensité. Ou plutôt deux intensités différentes Avec un (double) naturel remarquable, il donne une vraie personnalité à ses deux personnages, sème le trouble, mais reste lui. Et lui.
Comédie gentiment cynique, bien réalisée par Jean Dréville qui n’en rajoute pas non plus dans la performance. Comme pour le jeu de Jouvet, c’est la sobriété du réalisateur qui fait mouche, avec cette manière de confronter les deux Jouvet à l’image sans la ramener, sans jamais focaliser l’attention sur les trucages simplement utilitaires, et aussi discrets que remarquables.
L’histoire, elle, est sympathique et anecdotique. Le film compte surtout pour ses acteurs (Suzy Delair, aussi), les dialogues d’Henri Jeanson, et le ton surtout, la légèreté et l’allant que Dréville lui donne. Et ce plaisir communicatif d’un Jouvet décidément très grand.