La Scandaleuse de Berlin (A foreign Affair) – de Billy Wilder – 1948
Treize ans avant Un, deux, trois, Wilder posait déjà ses caméras dans le Berlin de l’après-guerre. Mais cette fois-là, dans l’immédiat après-guerre. Pas encore celui de la reconstruction, ni même des deux Allemagnes : celui d’un Berlin en ruines, occupé par les troupes des différentes armées vainqueurs.
Ce n’est pas le premier film effectivement tourné dans les ruines de Berlin. Mais ce Wilder est l’un des plus impressionnants. Ne serait-ce que pour son aspect documentaire, la vision qu’il offre de cette capitale ravagée et de sa population dépendante du marché noir, le film est important.
Il l’est aussi, tout simplement, parce que c’est une grande réussite où l’humour léger, le cynisme et la gravité de Wilder se retrouvent autour d’un triangle amoureux décapant : la chanteuse de cabaret au passé trouble (Marlene Dietrich, qui d’autre), l’officier américain un peu magouilleur et beau parleur (John Lund, très bien), et la congresswoman trop guindée, venue explorer le oral des troupes américaines.
Jean Arthur, dans un rôle qu’on image comme un clin d’œil à M. Smith au Sénat, est une grande actrice comique. Irrésistible quand elle met trois plombes à plier ses lunettes avant de daigner jeter un œil aux ruines que son avion survole. Hilarante quand elle se fait passer pour une « Gretchen » écervelée. Touchante quand, totalement bourrée, elle s’abandonne à celui qu’elle aime. Et puis tragique et superbement filmée, profil sombre couvert d’ombre, lorsqu’elle réalise la tromperie…
C’est avant tout à travers son regard qu’on découvre la vie de ce Berlin exsangue. Wilder sait lui donner de la vie et de la gravité dans le même mouvement. Les scènes dans le cabaret, surtout, sont absolument magnifiques, caves sombres toutes en ombres et en recoins, dont Wilder fait un écrin sur mesure pour Marlene, fascinante comme toujours. Fascinante et troublante, parce que le scénario (co-écrit avec le fidèle Charles Brackett) ne l’épargne pas, et n’atténue pas la responsabilité individuelle au nom de la responsabilité collective.
Une comédie, oui, mais grave et profonde. Un grand cru de Wilder.
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