Maman de mon cœur (Mother Machree) – de John Ford – 1928
Ford est immense. Cela se mesure au bonheur que l’on a de voir cette rareté. Cela se mesure aussi à la frustration que l’on a de ne pouvoir en voir qu’une petite partie. Une petite demi-heure, soit quatre séquences, les seules à avoir survécu.
C’est déjà plus que la majorité des films muets de Ford bien sûr, mais c’est bien peu au vu de la beauté et de la puissance visuelle de ce qui reste. La première scène, surtout, qui trouve sa place dans le panthéon des grands moments fordiens.
Dans une Irlande telle que la rêve Ford, une femme de pêcheurs et son fils attendent le retour du père. La tempête éclate, le drame survient… Ce drame, Ford ne le filme qu’à travers le regard de cette jeune femme dont on pressent le destin tragique. La pluie qui martèle les carreaux, des éclairs comme des coups de poignards, et l’annonce du drame, qui se limite à l’apparition des tenants de l’ordre, prêtre et gendarmes…
Après une première séquence aussi forte, Ford réussit à garder une belle intensité. La veuve et son fils partent vers l’Amérique et croisent en route un ogre de cirque, le grand Victor McLaglen, qui tombe amoureux de la belle et la suivra de l’autre côté de l’océan. Leur relation donne quelques passages plus légers, plein d’humour et de tendresse. Mais, une fois sur le sol américain, c’est surtout le manque de l’Irlande qui se dégage de ces deux-là.
En Amérique, où la mère courage ne retrouve pas l’humanité de la Verte Érin. Pas de grandes scènes dramatiques ou lyriques pour illustrer ce manque : juste un escalier interminable que notre héroïne, fatiguée, ne gravit que pour trouver porte close.
Dommage, quand même, qu’une grande partie du film ait disparu. La dernière séquence nous retrouver notre héroïne des années plus tard, dans une grande demeure dont on ne comprend pas trop si elle en est la propriétaire ou si elle y est gouvernante, ni de quoi parlent les jeunes gens qui s’y retrouvent.
Ce qu’on comprend en voyant le film, en revanche, c’est que son fils est devenu un jeune homme à la belle prestance, et qu’il chante (bien) une jolie chanson à la gloire des mères courages, un chant (seul passage vraiment sonore dans ce film muet) qui émeut la maman aux larmes. Rideau…