Crépuscule de gloire (The Last Command) – de Josef Von Sternberg – 1928
Le succès des Nuits de Chicago, superbe film noir, a donné des ailes à Sternberg, qui s’offre un grand film sur la Révolution russe, un genre incontournable dix ans après les faits, pour beaucoup de grands cinéastes. Entre deux chefs d’œuvre (suivra Les Damnés de l’océan), ce Crépuscule de gloire ferait presque figure de petite œuvre mineure. On est quand même loin de la splendeur visuelle de ces deux autres films, ou même de la fascination qu’ils exercent.
Reste que Sternberg signe un film passionnant, et très original par son introduction et sa conclusion dans les coulisses d’Hollywood, où les ennemis d’hier se retrouvent : ancien révolutionnaire et ancien général tsariste, qu’un tournage de film réunit en inversant les rôles. Cruellement.
Le film prend assez clairement fait et cause pour la « Grande Russie ». Moins pour une quelconque vision politique des choses que pour une attirance pour un certain romantisme : la grandeur de la perte, en quelque sorte. Le « héros », joué par Emil Jannings, assez grandiose, est un homme qui fut immense et qui a tout perdu, jusqu’à ses illusions lors d’une séquence centrale dure et bouleversante, l’un des rares moments spectaculaires d’un film qui, par ailleurs, prend le temps de s’attacher aux détails.
C’est flagrant dès l’introduction, qui décrit longuement le quotidien anti-glamour au possible d’un petit figurant dans la grande machine hollywoodienne, repoussant étrangement le cœur du film, ce long flash-back d’une heure dans les derniers jours de la Russie des tsars.
La révolution n’est guère sympathique, donc, malgré la présence de William Powell (première fois que je le vois sans la parole) en révolutionnaire devenu réalisateur puissant et revanchard. Mais le tsar lui-même est (brièvement) mis en scène comme un pantin un peu ridicule, et coupé du monde.
Et puis cette improbable histoire d’amour, étrangement touchante, à peine abordée finalement, mais qui donne au film une vraie profondeur, et au passage entre les deux époques, une douleur profonde et vraiment perceptible. Comme un symbole de l’entente impossible entre deux mondes.
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