Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour mars, 2020

Le Destin est au tournant (Drive a crooked road) – de Richard Quine – 1954

Posté : 21 mars, 2020 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, QUINE Richard | Pas de commentaires »

Le Destin est au tournant

« Why would a dame like her go for a guy like me ? » C’est la question que se pose Mickey Rooney (au moins sur l’affiche américaine), drôle de héros de film noir avec son mètre 65, son regard de chien battu, ses quelques kilos en trop et sa grande cicatrice sur le front qu’il arbore comme une condamnation à la solitude… La réponse est simple: parce que cette « dame » est la femme fatale de ce film noir, celle qui va t’embarquer vers ton destin, cher Mickey.

L’histoire, inspirée de celle des Tueurs de Siodmak, est assez classique : un mécanicien et pilote hors pair, trop discret, est manipulé par une jeune femme et ses voleurs de complices qui veulent utiliser ses talents lors d’un braquage. Mais derrière cette intrigue basique, il y a un excellent scénario que signe Blake Edwards, et qui tourne autour de deux éléments originaux.

La voiture d’abord, omniprésente et centrale. A la fois comme élément mystérieux d’un traumatisme passé dont on ne saura rien (cette cicatrice si marquée, dont on ne peut qu’imaginer à quel drame elle est liée), et comme élément de suspense : la grande « course-poursuite » contre personne d’autre que le temps, que Richard Quine transcende avec une utilisation très efficace des transparences pourtant approximatives. Comme un élément romantique et social aussi, qui permet à Mickey Rooney de se livrer et d’ouvrir son cœur. Mais aussi comme une arme forcément létale.

L’autre particularité, et force, c’est Mickey Rooney lui-même. Loin de Burt Lancaster, dont il n’a ni la stature, ni le charme, ni la beauté animale, ni la force. Petit, enlaidi par cette cicatrice, naïf, fragile, il est superbe, terriblement émouvant. Le film souligne constamment la tristesse effacée de ce type qui se croit condamné à une vie sans éclat, sans joie, sans amour, et à qui une femme comme il n’en existe que dans les films (et derrière les vitrines du garage où il travaille, ces femmes d’un autre monde que le sien) vient donner de nouveaux rêves.

Le film est admirablement construit autour de cette fragilité. Il ne serait pas si réussi sans la prestation de l’acteur. Diane Foster est pas mal non plus en femme fatale rongée par la culpabilité. Le genre de personnages qui nous ferait presque croire à la possibilité d’une deuxième chance…

La Maison de la mort / Une soirée étrange (The Old Dark House) – de James Whale – 1932

Posté : 20 mars, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, FANTASTIQUE/SF, WHALE James | Pas de commentaires »

La Maison de la mort

Une nuit de tempête, dans un coin totalement paumé, une voiture forcée de s’arrêter au milieu de nulle part, ses occupants qui demandent l’asile pour la nuit aux habitants inquiétants d’une maison qui ne l’est pas moins…

C’est un peu la quintessence du film d’épouvante que ce bijou de James Whale, tourné entre Frankenstein et L’Homme invisible, bref dans sa très grande période, celle où il enchaîne les classiques. Comme si tous les codes du genre se concentraient dans ce film pourtant relativement court (à peine 1h15), dans une espèce de pureté qui ferait fi de toutes les contraintes de narration ou de réalisme.

Et on jurerait que l’action est omniprésente, que les rebondissements sont constants, que le suspense est à toutes les portes. Pourtant, à y regarder de près, il ne se passe quasiment rien jusque dans le dernier quart d’heure. Passée une première scène sur la « route », dans un décor nocturne et pluvieux assez impressionnant, le film est en grande partie une attente, avec des personnages qui s’observent et se livrent à peine.

Mais Whale filme son décor comme un personnage inquiétant. Entre la maison et le majordome balafré et muet joué par Boris Karloff, c’est à peu près la même approche que propose le cinéaste : deux éléments de décors omniprésents qui ne disent pas un mot mais semblent parler pourtant, présence baroque qui suffit à faire naître l’angoisse.

Pour ça, Whale joue avec les ombres, les hors-champs, les détails, les gros plans. Un véritable mode d’emploi du bon réalisateur de films d’horreurs, avec une caméra qui se promène dans la maison comme si c’était elle la narratrice omnisciente, avec ces mains que l’on voit surgir d’éléments de décors. Du grand art, digne des grands classiques du genre.

Pas d’histoire, ou si peu. Et des personnages très marqués, presque caricaturaux. Pas de vrai danger non plus, d’ailleurs : on a peur, on frémit, on sursaute, mais on sent bien que tout ça est « pour de faux ». Whale ne joue pas la carte du réalisme, ni de la vraisemblance. Il s’amuse avec son formidable casting (Karloff donc, mais aussi Gloria Stuart, Charles Laughton, Melvyn Douglas ou Raymond Massey) comme avec les passagers d’un train fantôme. Une réjouissante attraction qu’on a tout de suite envie de refaire, encore et encore.

Mindhunter (id.) – saison 2 – créée par Joe Penhall et David Fincher – 2019

Posté : 19 mars, 2020 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, DOMINIK Andrew, FINCHER David, FRANKLIN Carl, PENHALL Joe, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Mindhunter saison 2

Après l’excellente première saison, on se demandait quand même un peu si le show de David Fincher allait réussir à garder la même intensité, avec ce parti-pris si radical. La réponse est oui, grâce à une logique dont Fincher ne se départit jamais : il n’est pas homme à se reposer sur ses lauriers, ses différentes contributions au « film de serial killer » le prouvent. Cette deuxième saison, tout en s’inscrivant dans le prolongement de la précédente, fait donc le choix d’une évolution très marquée.

Les entretiens avec les tueurs enfermés sont toujours présents, mais n’apportent plus grand-chose d’autres que des échecs, comme si Fincher (qui réalise encore les trois premiers épisodes) et les scénaristes voulaient montrer qu’ils n’étaient pas dupe : après la théorie, il est grand temps de passer à la pratique. En l’occurrence à la traque d’un authentique tueur en série toujours en activité : à Atlanta, où de nombreux enfants noirs ont été enlevés et assassinés.

Cette enquête, la première à laquelle la cellule créée par nos héros au sein du FBI est officiellement associée, occupe la plus grande partie de cette saison. Un choix là encore assez radical. D’abord parce que l’affaire, bien réelle, n’a été que partiellement élucidée. Puis parce qu’un doute subsiste toujours sur l’existence d’un tueur unique dans cette vague de meurtres.

Fausses pistes, plantages complets… L’enquête souligne l’importance de cette science du comportement encore balbutiante, mais aussi ses limites, et la difficulté d’associer les méthodes nouvelles et celles plus traditionnelles. Le formidable duo formé par les agents Ford (Jonathan Groff) et Tench (Holt McCallany) l’illustre bien : ce dernier étant partagé entre admiration et agacement à propos de son jeune collègue, aussi brillant et intuitif lorsqu’il s’agit de comprendre des tueurs qu’il ne connaît pas, que déconnecté et à côté de la plaque avec son entourage.

L’entourage du duo d’enquêteurs et de l’analyste jouée par Anna Torv semble en retrait. Pourtant, son importance est centrale dans cette saison qui, au fond, évoque surtout la radicalisation de ces personnages qui, plus ils avancent dans la compréhension de ces tueurs qu’ils apprennent à connaître mieux que quiconque, plus ils s’enfoncent dans une logique d’où tous les êtres censés sont exclus. Les dernières minutes de cette belle fascinante d’épisodes sont ainsi d’une tristesse insondable. La troisième saison, incertaine, n’en est que plus urgente.

Péché mortel (Leave Her to Heaven) – de John M. Stahl – 1945

Posté : 18 mars, 2020 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, STAHL John M., TIERNEY Gene | Pas de commentaires »

Péché mortel

Ah ! Ce Technicolor flamboyant… Ah ! Ces décors de lacs et de montagnes si romantiques… Ah ! Ce coup de foudre irrésistible dans un train… John Stahl connaît son affaire en matière de romantisme, lui qui a signé tant de grands mélos (dont plusieurs ont inspiré les chefs d’œuvre de Douglas Sirk)…

Pourtant, il ne faut pas longtemps pour resentir un curieux trouble. D’où vient-il ? De quelques silences trop appuyés, de trois fois rien, du regard de Gene Tierney surtout, si profond, si vibrant, mais avec une petite ombre qui ne fait que gagner en intensité, en même temps que le trouble grandit.

Gene Tierney, la belle jeune femme si amoureuse, et Cornel Wilde, le romancier si bon, auraient pu être les héros d’une grande romance hollywoodienne, dans ces si beaux décors. Mais on comprend vite qu’ils sont les anti-héros d’un vrai film noir, malgré ces couleurs si chaudes. Et Gene Tierney est de ces personnages qui ont fait la grandeur du genre.

Pas une femme fatale telle qu’on se l’imagine, mais une femme malade et dangereuse tout de même, une amoureuse totale, exclusive, qui ne veut rien d’autre que l’homme qu’elle aime. Et surtout pas un adolescent handicapé ou une sœur qui lui ferait de l’ombre…

Elle est extraordinaire, Gene Tierney. Elle, l’actrice douce et fragile, se transforme en une sorte de monstre chez qui les fêlures côtoient de très près la noirceur la plus abyssale. Quand elle aime, plus rien d’autre n’existe… ou ne doit exister. Ca flirte avec le romantisme le plus pur, pour tomber dans la noirceur la plus totale.

Stahl crée la tension dans une série de scènes de famille qui pourraient être anodines, pour faire éclater le drame dans une scène d’une cruauté rare : celle du lac, où le visage impassible de Gene Tierney glace le sang. Une autre suivra, tout aussi mémorable, en haut d’un escalier.

Jeanne Crain, la petite sœur, et Cornel Wilde, l’élu/victime, font bien pâle figure face à ce monstre si magnétique. Mais cette discrétion souligne parfaitement la domination de Gene Tierney. Et quand les dernières images arrivent, bouleversantes, on se dit qu’ils l’ont bien mérité, ce final de mélo, avec tous ces violons et ce coucher de soleil si éclatant…

La Comtesse aux pieds nus (The Barefoot Contessa) – de Joseph L. Mankiewicz – 1954

Posté : 17 mars, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, BOGART Humphrey, MANKIEWICZ Joseph L. | Pas de commentaires »

La Comtesse aux pieds nus

Bogart, sa protégée étendue dans ses bras, cherchant désespérément le mot espagnol pour Cendrillon, ce mot qu’il cessé d’entendre et d’oublier aussi sec… C’est sublime le cinéma, quand il vous tire des larmes avec une telle pudeur, une telle délicatesse.

Face à Bogart, Ava Gardner, physique de sex-symbol et regard de petite fille perdue, cette petite fille aux pieds nus enfoncés dans la poussière qu’elle continue à être avant tout, malgré le luxe et la gloire.

Ava et Bogie seuls face au succès, à tout ce à quoi chacun rêve, à tous les prédateurs aussi… Ils ont tout obtenu, tout réussi. Mais quand ces deux là se retrouvent face-à-face, après une longue séparation, la vacuité de ce qui les entoure explose, pour ne plus retenir que ce qui les unit : la même condition d’homme et de femme paumés quelque part sur la route des rêves.

La Comtesse aux pieds nus est peut-être le plus beau film de Mankiewicz. Plus plus intense, le plus émouvant, le plus total aussi. Avec son Technicolor envoûtants, ses ellipses audacieuses et ses narrateurs successifs qui racontent chacun leur tour les grands moments de ce destin brisé, Mankiewicz touche à l’essence même du cinéma, cet art narratif et émotionnel qui joue avec nos perceptions.

L’entrée en scène d’Ava Gardner donne le ton. Drôle d’entrée en scène d’ailleurs, puisque d’elle, danseuse dans bar populaire, on ne voit que l’effet qu’elle produit sur les hommes (et les femmes) qui la dévisagent. Il faudra de longues minutes pour qu’enfin on la voit, à travers le regard de Bogie, qui tombe d’abord sur ses pieds nus.

Bogart, superbe en réalisateur aux ordres d’un odieux producteur qui tire « Cendrillon », alias Maria, alias Ava, de son cloaque pour l’emmener vers le château du prince charmant (Hollywood, pour commencer). Entre le réalisateur et sa nouvelle star, pas d’attirance physique, pas d’amour, encore moins de sexe, mais des liens forts et sincères sans la moindre ambiguïté. Quelque chose d’unique, en somme.

En soit, c’est déjà une sorte de miracle dans un film américain. Ce qui l’est aussi, c’est la vérité et la force de ses liens, l’évolution si belle et si naturelle de leurs relations. La construction en longs flash-backs successifs permet des sauts dans le temps qui donnent du poids immédiat à cette évolution.

Mankiewicz signe un film aussi émouvant que cruel, transformant le rêve d’Hollywood et de la jet set en un monde de domination et d’humiliation, où les êtres purs et innocents sont condamnés à se perdre. Ava Gardner trouve là l’un de ses plus beaux rôles. Bogart est merveilleux dans ce contre-emploi. Un chef d’œuvre, tout simplement.

Première Victoire (In harm’s way) – d’Otto Preminger – 1965

Posté : 16 mars, 2020 @ 8:00 dans 1960-1969, DOUGLAS Kirk, PREMINGER Otto, WAYNE John | Pas de commentaires »

Première victoire

Preminger, période grands sujets… On a le droit de préférer le Preminger première manière, celui des films noirs époustouflants. Mais le gars a quand même un savoir faire indéniable, une manière de mettre en relief la grande histoire en s’attardant sur des drames plus intimes…

Il y a de ça dans Première victoire, sa version de l’entrée en guerre des Etats-Unis, à travers les destins d’une demi-douzaine de personnages. On peut reprocher quelques facilités au scénario, en particulier dans l’évolution de certains de ces personnages. Celui de Kirk Douglas, passionnant dans la première moitié du film, évolue ainsi d’une manière abrupte qui fait avancer le récit mais peine à convaincre. Un « glissement » à peine justifié par une remarque de Patricia Neal, la love interest de John Wayne.

Ah oui ! Parce que comme souvent dans les grands films de guerre de cette époque, la distribution est extraordinaire. Wayne, donc, en pivot du film, Douglas et Neal, mais aussi Burgess Meredith, Henry Fonda, Dana Andrews, George Kennedy, Brandon De Wilde (le gamin de Shane, qui a bien grandi), Tom Truyon, Caroll O’Connor, Franchot Tone… Rien qu’avec ce casting, l’intérêt du film est assuré.

Mais il y a bien d’autres raisons d’aimer Première victoire. Et, surprise dans une telle grosse production, ce sont les ellipses, nombreuses et spectaculaires, qui donnent un particulier à ce film fleuve, qui n’hésite pas à faire des sauts en avant de plusieurs mois, et à éviter de montrer des moments clés de l’histoire, en particulier « la » grande bataille tant attendue.

On a quand même droit à quelques spectaculaires scènes de batailles sur l’eau. Trois, au moins, avec des parti-pris chaque fois différents et des résultats plutôt variables. Parfaitement tendue pour l’attaque de la flotte japonaise par les petits croiseurs, un peu fouillie pour le carnage final, et franchement cheap pour la scène quasi-inaugurale : celle de l’attaque de Pearl Harbor.

Ce moment-clé de l’histoire (et de la guerre) arrive après une première partie magnifiquement mise en scène, avec une économie de moyens et et une montée en puissance dramatique imparable. Les quelques ploufs dans l’eau et les maquettes qui font pfout ne gâchent pas vraiment l’ensemble, mais entraînent quelques petits sourires narquois, au mieux. Gênant.

Mais cette réserve n’est qu’u détail. Malgré ses quelques faiblesses, Première Victoire fait partie des réussites du genre. Et Preminger sait lui donner un ton très particulier et très intime. Ce bel hommage à la navy est à la fois vibrant et enthousiasmant, mais pas bêtement énamouré. Devant la caméra de Preminger, la frontière entre la victoire et la défaite est bien fragile. Et la violence a toujours un goût amer…

Au-delà du Missouri (Across the Wide Missouri) – de William A. Wellman – 1951

Posté : 15 mars, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, WELLMAN William A., WESTERNS | Pas de commentaires »

Au-delà du Missouri

Une voix off qui commente assez platement une série d’images – cartes postales, des personnages qui semblent mal dégrossis, des couleurs un peu criardes qui ont franchement mal vieilli (contrairement à la réputation que le film continue à avoir)… Les premières minutes laissent craindre le pire : comme si Wellman, pour une fois, avait un peu raté son coup.

Pour une fois, parce que Wellman est quand même un cinéaste assez magique qui a le don quasi-unique de transcender tout ce qui lui tombe sous la main, quel que soit le genre et les moyens qui lui sont confiés. Et il tourne beaucoup : cette seule année 1951, ce sont trois films qui portent sa signature, dont le très beau Convoi de femmes.

Un faux pas, donc ? Eh bien non : une fois encore, la magie opère. Le scénario est clairement abouti que celui de Convoi…, et ça se sent. L’humour un peu potache, les Indiens tels que Hollywood les fantasme, l’histoire d’amour un peu facile dans sa première partie (elle gagne en profondeur, quand même)… Autant de défauts qui se ressentent tout de même.

Mais il y a cette « patte » Wellman, cette capacité qu’il, comme Walsh, à donner du corps, de l’intensité et du rythme à son histoire, avec une impression de naturel confondante. Au-delà du Missouri est donc, en dépit de tous ses défauts, passionnant.

Dans cette Amérique des pionniers (l’histoire se passe entre 1828 et 1830), Clark Gable est un trappeur cynique qui « achète » une Indienne dans une scène étonnante, avant d’en tomber sincèrement amoureux. Plus que l’histoire, racontée comme un hommage à des pionniers d’un pays encore à construire, ce sont les paysages qui frappent. Leur beauté, l’importance des grands espaces, mais aussi leur diversité. Des montagnes enneigées aux forêts de bouleaux en passant par les lacs et les vastes plaines, Au-delà du Missouri est aussi un hommage à la beauté de ce pays, entaché de sang.

La voix off renforce l’impression de paradis perdu, un paradis au goût amer, quand même, que fréquentent des immigrants qui ont rompu avec un passé sans doute glorieux : un noble français (Adolph Menjou, réjouissant), ou un officier écossais. Et la cornemuse qui retentit dans les grands espaces du Montana, ça a vraiment de la gueule…

L’Homme des hautes plaines (High Plains Drifter) – de Clint Eastwood – 1973

Posté : 14 mars, 2020 @ 8:00 dans 1970-1979, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.), WESTERNS | Pas de commentaires »

L'Homme des hautes plaines

Un étranger sans nom, taiseux, qui débarque dans une petite ville où il ne tarde pas à dégommer trois gros bras… Le cigare aux lèvres et la barbe de six jours… Clint Eastwood lorgnerait-il du côté de Sergio Leone pour son premier western derrière la caméra ? Pour l’argument initial, sans doute. Mais dès cette deuxième mise en scène, l’ami Clint impose son style, et son univers très particulier.

Chez Eastwood cinéaste, en tout cas dans une grande partie de sa carrière, le rapport à la mort a souvent quelque chose d’étrange, flirtant avec le surnaturel. Le film s’ouvre ainsi sur un climat oppressant et mystérieux qui laisse des marques. Comme dans Pale Rider douze ans plus tard, l’étranger semble sortir d’un mirage. Surtout, c’est le son qui crée ce sentiment de malaise qui ne s’effacera plus : le bruit assourdissant et totalement décalé que fait le cheval de l’étranger, qui agace les sens, absolument inconfortable.

La suite est à l’avenant. L’étranger que joue Clint abat sans sommation, viole une jeune femme un peu trop aguicheuse et hautaine, et s’emploie bientôt à humilier tous les habitants de cette ville qui voit en lui l’ultime rempart contre trois tueurs en quête de vengeance (dont l’indispensable acteur eastwoodien Geoffrey Lewis). Lâches, hypocrites, avides, mesquins… Pas le moindre personnage attachant dans cette ville que Clint va transformer, littéralement, en enfer.

Et d’où viennent ces réminiscences ? Comme des bribes de souvenirs qui ne peuvent pas en être (des souvenirs)… Qui est cet étranger qui sème la mort et confronte la population à sa propre conscience. Surtout, surtout, fuyez l’aberrante version française qui dénature en une réplique finale tout le mystère et la nature même du film. Clint Eastwood mérite bien mieux que ça avec ce western audacieux et radical.

Deburau – de Sacha Guitry – 1951

Posté : 13 mars, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, GUITRY Sacha | Pas de commentaires »

Deburau

Grandeur et chute de Deburau, le plus célèbre des mimes, celui-là même qu’interprétait Jean-Louis Barrault dans Les Enfants du Paradis. Sacha Guitry, lui, s’intéresse à la vieillesse de sa vie, à la fin de sa carrière, s’offrant le rôle titre avec une gourmandise teintée d’une nostalgie déchirante.

Quoi de plus normal dans ce choix : Guitry a toujours fait de ses personnages des doubles de lui-même, et tous ses grands films ont des accents d’autobiographie rêvée. C’est le cas ici. Où est Deburau, où est Guitry dans ce personnage de mime qui parle, qui parle, qui parle sans quasiment jamais se taire du lever de rideau jusqu’au mot fin ?

On ne s’en plaint pas, d’ailleurs. Comme souvent dans ses films, Guitry est tout : auteur, réalisateur, acteur, et bien plus… Il ne joue pas son film, il « est » son film. C’est lui qui en donne le ton, le rythme, le mouvement.

Plus encore que dans un chef d’œuvre comme Le Roman d’un tricheur, où la forme audacieuse jouait un grand rôle, le phrasé si particulier et si jouissif de Guitry est précieux dans ce théâtre filmé qui ne cache jamais ses origines, respectant la constructions en actes, l’unité de décors, mais aussi les apartés.

La logique de Guitry cinéaste, sans fard, tel Deburau qui enlève le blanc de son visage. Totalement fabriqué, tout en rimes, et pourtant d’un naturel désarmant.

Les Infiltrés (The Departed) – de Martin Scorsese – 2006

Posté : 12 mars, 2020 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

Les Infiltrés

Internal Affairs était un excellent thriller hong-kongais sur l’éternel thème du double négatif. Scorsese en tire la matière pour un film très personnel, l’un de ses grands films de gangsters, tragédie douloureuse et violente qui s’inscrit finalement plus dans la lignée des Affranchis que dans celle du film dont il est le remake.

Scorsese va beaucoup plus loin dans la thématique du double, opposant systématiquement les trajectoires des deux flics : l’un renseignant un parrain de la mafia de Boston (Matt Damon), l’autre infiltré auprès du même parrain (Leonardo Di Caprio)… Plus le premier gravit les échelons de la police, plus l’autre s’enfonce dans une vie de violence, de solitude et d’aliénation.

Une opposition d’autant plus forte que ces deux là se retrouvent sur de nombreux points. Tous deux vont toujours plus loin dans le mensonge et dans la tromperie, poussés par une figure paternelle qui les dirige dans l’ombre : Jack Nicholson en mafieux glaçant, Martin Sheen en policier à la figure de père tranquille. Tous deux rêvent aussi de s’émanciper et de retrouver leur vraie identité. Et tous deux tombent amoureux de la même femme, Vera Fermagia.

On pourrait ajouter aussi que tous deux sont entourés d’hommes vulgaires et mal dégrossis, aux langages de charretiers. Et les flics ne sont pas les plus élégants : les joutes verbales entre Mark Whalberg et Alec Baldwin (oui, la distribution est éblouissante) sont d’ailleurs des moments étonnants, presque légers. En tout cas drôles et franchement réjouissants.

Scorsese est pourtant en mode sombre. Crépusculaire, même. La mort est omniprésente, et elle frappe fort, sans jamais être anodine. Sur le toit d’un immeuble, dans une cage d’ascenseur ou dans un entrepôt désaffecté, la mort est mise en scène avec une brutalité et une intensité hallucinantes.

Le film a valu un Oscar tardif à Scorsese. Le film de gangsters lui va décidément comme un gant, que ce soit la mafia italienne ou, comme ici, la mafia irlandaise…

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