Quelques jours avec moi – de Claude Sautet – 1988
Après l’échec de Garçon, Claude Sautet s’offre une sorte de nouveau départ avec son film suivant. Exit Jean-Lou Dabadie, le scénariste de ses plus grands succès. Sautet écrit Quelques jours avec moi avec Jacques Fieschi (et Jérôme Tonnerre), qui sera le scénariste de ses trois derniers films, sorte de triptyque informel et superbe, qui est aussi, de l’avis très éclairé de moi-même l’apothéose de sa carrière.
Avec Daniel Auteuil, qu’il retrouvera pour Un Cœur en hiver, Sautet trouve un nouveau double idéal, handicapé du sentiment très loin de ce qu’était Yves Montand. Auteuil chez Sautet, c’est un peu L’Etranger de Camus : un homme qui traverse sa vie comme un spectateur, étranger à lui-même et à ceux qui l’entourent. Profondément dépressif ? En manque total d’empathie ? Confronté à un ennui sidéral ? Tout ça, et rien de ça à la fois. Le personnage d’Auteuil est une énigme fascinante dont la passivité bouscule l’ordre bien étable, et qui révèle paradoxalement ce qu’il y a de meilleur chez les autres.
Héritier d’une grande chaîne de supermarchés, taciturne, sans plaisir ni déplaisir, là sans être vraiment là. A Sandrine Bonnaire, la femme de ménage vaguement délinquante, à qui il tend une sorte de guet-apens parce qu’il n’imagine pas simplement l’inviter, il fait ce début de confession : « Vous êtes la première personne à qui j’ai envie de parler depuis des années. »
Il est étranger, mais pourtant d’une disponibilité extrême, aussi naturel avec le très beauf Jean-Pierre Castaldi qu’avec le notable beau parleur Jean-Pierre Marielle. Attirant les extrêmes et la sympathie de tous comme par magie. Y compris celle de Vincent Lindon, qui s’étonne lui-même de ne pas être jaloux de celui qui passe pourtant ses journées et une partie de ses nuits avec celle qu’il aime.
Etrange électron libre, qui attire tout ce petit monde autour de lui, catalyseur des amitiés les plus improbables. Quelques jours avec moi est une œuvre à part dans la filmo de Sautet, qui laisse libre cours à un sens inattendu de la fantaisie. Au cœur du film, il y a notamment cette fête hallucinante, où se retrouvent petits délinquants et chef de police, patron et ouvriers, dans un immense appartement rempli de meubles de jardins. Hors du temps, hors des conventions.
C’est drôle, c’est envoûtant, c’est poignant aussi. Les acteurs sont géniaux. Marielle est immense, Auteuil gagne une dimension encore inédite. Bonnaire est d’une liberté insolente. Et en plus, il y a Danielle Darrieux, grande, même avec un rôle très secondaire. Quelques jours avec moi : un très grand Sautet, de ceux que l’on revoit avec un plaisir qui ne fait que croître.
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