Jenny – de Marcel Carné – 1936
Premier long métrage de Carné, tourné juste avant l’ère des grands classiques, Jenny est un film nettement moins célèbre que Drôle de drame ou Le Jour se lève dans la longue collaboration entre Carné et Jacques Prévert. L’heure n’est pas encore au fameux réalisme poétique qui atteindra des sommets avec Hôtel du Nord, mais à un réalisme plus cru, avec moins de fards…
Jenny, qui donne son titre au film, c’est la grande Françoise Rosay. Ou plutôt la femme qu’elle est à la nuit tombée, lorsque la mère de famille digne et vieillissante qu’elle est devient la patronne d’un club très libertin, où les jolies jeunes femmes ne demandent qu’à être très gentilles avec les riches clients prêts à sortir leurs portefeuilles.
Quand sa fille revient d’Angleterre, où elle a vécu depuis l’adolescence, elle lui cache son vrai métier. Pour la jeune Danièle (Lisette Lanvin), sa mère est une bourgeoise bien comme il faut… Jusqu’au jour où elle découvre la vérité, et rencontre Lucien (Albert Préjean), sorte de gigolo qui vit de la générosité de sa mère…
Jenny s’annonce comme un drame amoureux qui va opposer mère et fille. Mais le film se révèle vite plus subtil que ça. Et c’est une série de portraits de personnages trop seuls que Carné filme. Tout est simple, semble-t-il, dans cet univers où il suffit de payer pour avoir des amis, une maîtresse, un amant… Mais personne n’est vraiment dupe : ni Charles Vanel, petit caïd qui brandit son pouvoir mais se consume d’amour pour Françoise Rosay ; ni Jean-Louis Barrault, qui s’invente un chien imaginaire parce qu’au fond, personne ne s’intéresse au bossu qu’il est ; ni Albert Préjean, gigolo repenti…
Au fond, seul le milliardaire joué par Le Vigan prend son argent vraiment au sérieux. Une posture qui, d’ailleurs, le coupe totalement du monde et de la réalité.
Superbe interprétation, musique très présente mais prenante de Joseph Kosma, et quelques beaux moments qui annoncent les chefs d’œuvre à venir : les amoureux qui regardent la brume sur le canal, ou cette dernière image de Françoise Rosay, seule dans le brouillard, déchirante.
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