J’accuse – de Roman Polanski – 2019
Il y pensait depuis plus de dix ans, Polanski, à son film sur l’affaire Dreyfus. C’est le roman de Robert Harris, D., qui lui en a donné la clé : raconter l’histoire du point de vue de George Picard, officier antisémite (comme tant d’autres dans cette France là) qui a le premier compris l’innocence d’Alfred Dreyfus, se dressant alors contre une armée qui était tout pour lui, mais pour qui le Juif faisait un traître tellement idéal.
On comprend bien ce qui fascinait Polanski dans l’histoire de Dreyfus, on comprend encore plus pourquoi c’est Picard qui est au cœur de son film, tant le personnage est passionnant, et surtout tant il a une dimension dramatique exceptionnelle. C’est l’une des principales forces du film. Jean Dujardin en est une autre : sobre et intense, l’acteur est absolument formidable.
Autour de lui, Polanski a réuni une distribution impressionnante : Louis Garrell, Emmanuelle Seigner, Denis Podalydès, Melvil Poupaud, Mathieu Amalric, Damien Bonnard, Michel Vuillermoz… Un vrai défilé de grands acteurs, tout le cinéma français semblant vouloir faire partie de cette aventure pas comme les autres.
Même ampleur dans la reconstitution de cette fin du 19e siècle, d’une précision remarquable, jusqu’à la poussière que l’on voit planer dans l’air des appartements confinés. De la belle ouvrage, parfaitement servie par la mise en scène fluide et ample, d’un Polanski très appliqué. Très appliqué, oui.
Franchement, aucune fausse note dans J’accuse. Aucun passage à vide, aucun oubli, aucune faute de goût… J’accuse est exactement comme on l’attendait : autant une leçon d’histoire qu’une leçon de mise en scène. Mais cette perfection elle-même est frustrante. Devant tant de maîtrise, l’émotion ne pointe son nez qu’à de très rares occasions : devant la scène du duel en particulier, belle parce qu’elle émeut alors qu’on ne s’y attend vraiment pas.
Le reste du temps, Polanski s’applique, met toutes les chances de son côté pour ne pas rater ce film si important pour lui. Il réussit en partie son pari : son film sera sans doute montré dans des tas d’écoles, aurait sans doute obtenu des tas récompenses (il a quand même eu le Grand Prix à Venise) s’il n’y avait cette nouvelle polémique autour du réalisateur, et restera une référence sur le sujet. Mais on aurait aimé être surpris, voire bousculé.
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