Gosses de Tokyo (Otona no miru ehon – Umarete wa mita keredo) – de Yasujiro Ozu – 1932
Délicieuse comédie de l’enfance, qui d’emblée marque par son rythme, son montage, et ses cadres dynamiques et ses nombreux travellings. La caméra d’Ozu est particulièrement mobile dans ce film de jeunesse, et le ton est clairement à l’optimisme et à la légèreté. Teinté d’une certaine amertume, tout de même : on est chez Ozu.
Et on l’est complètement. Les thèmes chers au cinéaste sont là, à commencer par la figure du père, si important pour le réalisateur. Ce père dont les deux fils découvrent cruellement qu’il n’est pas l’homme le plus important du monde comme ils le pensaient. Comme tous les enfants le pensent, comme le confirme une sorte de « combat de coqs » entre les enfants qui comparent les mérites de leurs pères respectifs. Lui a la plus belle voiture, lui est le plus costaud… Mais le mien est capable d’enlever et de remettre ses dents !
Les vrais héros, ce sont ces enfants. Les deux frères, petits durs fiers et bagarreurs, qui éclatent en sanglots lorsqu’ils ne peuvent plus retenir leurs larmes, et qui décident de se lancer dans une gréve de la faim pour protester contre leur père qu’ils jugent trop obséquieux avec son patron. Une idée qui sera de nouveau au cœur de Bonjour, près de trente ans plus tard.
On est chez Ozu aussi pour ses motifs incontournables : cette banlieue de Tokyo où la famille vient de s’installer, et qui ressemble à une succession de terrains vagues un peu tristes, où les trains et les lignes téléphoniques sont omniprésents, dans chaque plan ou presque, comme pour rappeler que la vie, l’avenir, sont au bout de la ligne.
Avec un humour irrésistible, Ozu dresse aussi d’inattendus ponts entre le monde des enfants et celui des adultes, tous deux également régis par des rituels de domination. Où la légèreté, la gravité, la tendresse et l’amertume sont intimement liés. Une petite merveille, déjà.
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