Voyage à Tokyo (Tōkyō monogatari) – de Yasujiro Ozu – 1953
Un vieux couple part à Tokyo rendre visite à leurs enfants, qu’ils voient rarement. Trois fois rien : une longue et lente suite de scènes anodines, sans rien de spectaculaire, sans éclat, même.
Alors d’où vient l’émotion, immense, qui jaillit quand on s’y attend le moins ? D’où vient, aussi, ce bien-être teinté de nostalgie, que l’on ressent ? Voyage à Tokyo est un film dur, qui évoque le temps qui passe et le poids des séparations qui en découlent. C’est surtout un film dont la durée (2h15) est précieuse.
Ozu y met en scène avec une extrême simplicité des moments quotidiens, laissant systématiquement durer ses plans un peu trop longtemps que nécessaire à l’action, cadrant les pièces vides des maisons après le départ des personnages, comme s’il voulait ainsi mettre en évidence le fait que ces personnages n’ont pas vraiment d’emprise sur ce qui les entoure.
Le film nous installe dans une sorte de rêverie qui serait délicieuse s’il n’y avait cette amertume. A Tokyo, les parents ne se cachent pas longtemps que leurs enfants les déçoivent : pas aussi bien installés qu’ils l’imaginaient, et plus aussi gentils qu’autrefois… flanqués qui plus est de gosses horribles.
Seule leur belle-fille, veuve de leur fils mort à la guerre, se montre heureuse de leur présence, et vraiment aimante. La famille japonaise n’est plus ce qu’elle était. Le Japon non plus d’ailleurs, encore tant marqué par la guerre. Et paradoxalement, alors qu’ils ne trouvent dans les maisons traditionnelles qu’une forme de froideur, c’est chez Noriko, dans un immeuble en béton de la reconstruction, qu’ils sont le mieux reçus.
Un Japon en pleine mutation, la cellule familiale en crise, la figure du père… On est bien chez Ozu, et en compagnie de l’immense Chishu Ryu, son acteur fétiche, dont les petits grognements et la douceur du regard sont décidément précieux. Il est magnifique. Le film est magnifique.
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