Comme un avion – de Bruno Podalydès – 2015
Doux amer, flirtant avec l’absurde, mais toujours poétique… C’est du pur Podalydès que ce Comme un avion. Et comme un signe qu’il se livre ici plus que jamais, c’est lui-même, Bruno, qui interprète le rôle de ce quinquagénaire qui cherche à échapper au rythme que lui impose la vie. Pas son habituel alter-ego, son frangin Denis (qui est de l’aventure, mais dans un rôle secondaire).
Podalydès a une manière qui n’appartient qu’à lui de filmer ses personnages et leurs actions comme des gags, mais toujours avec un art du contre-pied (cette tente Décathlon que le personnage lance en l’air et dont on jurerait qu’elle ne redescendrait pas… mais si ; le rire est bien là, plus besoin donc d’aller au bout du gag), et en nous amenant tranquillement et l’air de rien vers quelque chose de plus profond.
Les deux hurluberlus (mot trop peu souvent usité) joués par Michel Vuillermoz et Jean-Noël Brouté sont typiques de cette vision. On les voit peindre tout ce qui tombe sous leur main, sans but apparent, et on découvre finalement que les deux hommes fabriquent un bac, qui servira à traverser une rivière pour rejoindre l’autre rive… où il n’y a encore rien. Tout le film est résumé dans ce fil rouge drôle et poétique.
A 50 ans, le personnage de Podalydès a envie de traverser la rivière. Sa passion pour l’aéropostale est la source de méprise pour son entourage, qui croit judicieux de lui offrir un baptême de l’air. Ils n’ont rien compris: lui ne rêve pas de voler, il aspire comme les pionniers de l’aéropostale à ouvrir sa propre voie, à trouver son propre rythme qui ne serait pas imposé par la société dans laquelle il vit.
Bruno Podalydès n’en rajoute pas mais il montre avec ironie tout ce que cette époque a d’aliénant pour cet homme lunaire. Son ailleurs, il le trouve non pas dans les airs, mais au fil d’une rivière familière, sur un kayak, dans un « grand voyage » qui ne le mènera que quelques kilomètres en aval. Mais pourtant si loin.
Un homme qui part vivre la grande aventure armé du manuel des Castors Juniors… Comme la quête d’une pureté toute enfantine. Et c’est la vraie vie qui retrouve, loin de ces nouveaux rapports humains par écrans interposés, presque hors du monde, dans une buvette au bord de l’eau qui semble d’un autre temps tenue par Agnès Jaoui, comme un paradis perdu dont un surprenant et drôle Pierre Arditi serait une sorte de gardien féroce, qui le séparerait du vrai monde.
Comme un avion est un éloge à la rêverie. Un voyage physique et intérieur beau et poétique, léger et profond. Et il y a cette chanson de Bashung, sublime, qui ouvre le film vers un avenir de tous les possibles…
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