Premier rendez-vous – de Henri Decoin – 1941
Après le beau Battement de cœur, Danielle Darrieux retrouve Henri Decoin, dont elle venait de se séparer, et cette fois sous la bannière de la Continental. Le film n’en est pas moins léger, drôle et irrésistible. C’est même, une nouvelle fois, l’une des grandes réussites de la comédie française. Une comédie pleine de charme et d’esprit, digne du cinéma de Lubitsch ou de celui de La Cava.
C’est aussi dans ce film, bien sûr, que Danielle Darrieux interprète « Le premier rendez-vous », l’une de ses plus belles chansons, superbe hymne amoureux qu’elle chante en deux temps : d’abord dans une version classique et séduisante, puis avec un swing très américain qui aurait été sans doute impossible quelques mois plus tard, après l’entrée en guerre des Etats-Unis.
La chanson est d’autant plus importante qu’elle évoque un premier rendez-vous qui, au fond, n’arrive jamais vraiment. Pas comme la jeune orpheline qu’interprète Danielle Darrieux l’imagine en tout cas, elle qui croit rencontrer un prince charmant en répondant à la petite annonce d’un mystérieux inconnu, et qui croise la route d’un homme de lettre brillant, mais vieillissant et pas très beau.
Ce dernier (Fernand Ledoux) affirme être l’ami de celui qui a vraiment correspondu avec la jeune femme (Louis Jourdan). Il n’y a bien qu’elle pour le croire, et pour ne pas comprendre très vite qu’on est dans une sorte de variation sur le thème de Cyrano de Bergerac. En plus contemporain et en plus léger. Et en remplaçant le contexte guerrier d’Edmond Rostand par celui plus innocent d’un collège de fils de riches (parmi lesquels un tout jeune Daniel Gélin).
Le rythme est enlevé, il n’est pas linéaire pour autant. Comme dans Battement de cœur déjà, Henri Decoin s’amuse à jouer sur les émotions du spectateur, n’hésitant pas à faire basculer son récit dans un semblant de film noir : l’arrivée de la jeune femme dans l’appartement de l’homme qu’elle vient de rencontrer distille ainsi une angoisse sourde, l’air égaré de Fernand Ledoux renforçant l’atmosphère soudain trouble.
Il y a d’ailleurs quelque chose d’étrangement hitchcockien dans cette comédie de Decoin. Une impression qui repose peut-être sur l’utilisation des maquettes pour les plans généraux (typiques de la période anglaise du Sir), ou plus généralement sur sa manière de filmer les intérieurs. En tout cas, une esthétique très soignée et très maîtrisée, qui rend grâce au talent des comédiens.
Une mention, d’ailleurs, à Jean Tissier, second rôle parfois un rien agaçant dans son éternel numéro de poseur volubile, qui trouve ici l’un de ses meilleurs rôles, irrésistible et touchant dans son rôle de vieux professeur dragueur et pas si léger qu’il n’en a l’air.
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