L’Inspiratrice magnifique ou L’Impératrice magnifique (Magnificent Doll) – de Frank Borzage – 1946
Après la guerre d’indépendance américaine, une jeune femme de grande famille se voit contrainte d’épouser un homme qu’elle n’aime pas. Devenue veuve, elle sera convoitée par deux hommes. L’un deviendra président des Etats-Unis, l’autre un traître qui cherchera à créer le chaos pour régner sur l’Amérique… Oui, c’est too much, surtout pour un film qui n’excède pas 1h30. Sauf que ce too much là est inspiré par des faits authentiques, et que c’est le destin de Dolly Payne, qui deviendra Dolly Madison, l’épouse du 4e président, que raconte Borzage.
Certes, le cinéaste s’autorise autant de libertés que lorsqu’il filmait le destin contrarié de la belle-sœur de Napoléon dans Betsy, 10 ans plus tôt. Mais quand même, les grandes lignes sont à peu près authentiques, et ce n’est pas un, mais trois destins hors du commun que le film raconte. Oui, c’est trop. Et sans doute le film aurait-il gagné en cohérence en se concentrant sur un seul des personnages. Parce que oui, cette grande fresque historique et romantique trop ramassée manque un peu de cohérence. Pas de grands moments magiques comme Borzage en a le secret, cela dit…
Toute la première partie du film est ainsi absolument magnifique, et aurait mérité à elle seule un long métrage. Ginger Rogers y est remarquable en jeune femme trop innocente mariée contre son gré, et incapable de prendre de la distance avec ses images toutes faites de vie romantique, au point de passer à côté du grand amour. Borzage y est à son meilleur lorsqu’il filme le quotidien de ce couple qui a tout pour être heureux, si ce n’est cet aveuglement de la jeunesse que l’actrice incarne avec subtilité. Et il y a un souffle tragique bouleversant à la conclusion de cette première partie.
Le problème est que ce premier tiers semble totalement indépendant de la suite, qui ne manque cela dit pas non plus d’intérêt. Le film est alors inégal, avec quelques baisses de rythmes que l’on ne trouvait jamais à la grande époque de Borzage. Et Burgess Meredith reste un peu en retrait dans le rôle du futur président Madison, face à son rival joué par David Niven, au jeu plus spectaculaire. Mais Borzage réussit quelques très belles scènes lyriques (le dîner politique dans la pension par exemple), et Ginger Rogers est décidément une très belle actrice.
Ces deux constats sont particulièrement frappants lors de la grande scène finale, beau discours démocratique de la belle face à une foule très remontée, le genre de grande déclaration que l’on pourrait trouver dans un film de Capra. Mais la beauté, chez Borzage, tient moins aux discours qu’aux petits échanges entre les personnages. Et ce qui bouleverse dans cette dernière scène, ce n’est pas ce que dit Ginger Rogers, mais ce mouvement du corps qui la place face à l’homme de sa vie, et à ce regard qu’ils échangent et qui vous colle les larmes aux yeux. Là, c’est du grand Borzage…
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