Saint Amour – de Benoît Delépine et Gustave Kervern – 2016
Sur le papier, ça fait un peu peur : les deux piliers de Groland qui filment des paysans mal dégrossis dans les travées du salon de l’agriculture. On connaît l’attachement sincère de Delépine et Kervern pour « ceux qui ne sont rien », pour reprendre la phrase d’un grand de ce monde. Mais on connaît aussi les caricatures pas toujours fines fines qu’en a fait l’émission culte de Canal. Donc…
Donc, très jolie surprise que ce Saint Amour, qui se révèle un film d’une tendresse immense et loin de toute caricature pour les hommes de la terre. Pas d’angélisme non plus : le tandem filme des personnages volontiers grossiers et peu aimables, à commencer par celui de Benoît Poelvoorde, fils d’agriculteur au physique ingrat, qui enchaîne les cuites pour oublier sa solitude abyssale et son mal de vivre.
C’est d’ailleurs une interprétation particulièrement forte que livre Poelvoorde. Forte et courageuse, tant l’homme se met à nu, physiquement et moralement, pour ce rôle franchement pas sympathique, en tout cas dans un premier temps. A nu, mais toujours dans le bon ton : Delépine et Kervern savent parfaitement jusqu’où ils peuvent aller sans tomber dans un voyeurisme facile.
Et Depardieu, sobre (là aussi dans tous les sens du terme) et touchant, tout en autocitations. Lui aussi est formidable, en père vieillissant qui décide d’embarquer son fils paumé pour une route des vins express, avec un jeune taxi arrogant (Vincent Lacoste, qui réussit joliment à exister face à ces deux monstres).
Ce road movie a tout du voyage intérieur. L’arrivée laisse quelque peu dubitatif (mais on n’attendait pas une chute facile), mais c’est le voyage qui séduit : cette tendresse qui peine à s’exprimer entre le père et le fils, et qui finit par trouver sa voie. Décapant, un peu. Tendre, beaucoup.