Incassable (Unbreakable) – de M. Nyght Shyamalan – 2000
Faites l’expérience : voyez et revoyez Sixième Sens, puis voyez et revoyez Incassable. Deux films de Shyamalan réputés pour leur twist final. Le premier, auréolé d’un gros succès, ne passe pas l’épreuve de la deuxième vision : tout, mais vraiment tout, repose sur ce twist. Incassable, en revanche, se révèle nettement plus riche, plus complexe, et plus abouti.
C’est même, sans doute, le meilleur film de Shyamalan. Et, mais les avis seront sans doute très partagés, le meilleur film récent de super-héros… Dit un cinéphile lambda qui ne supporte plus les films de super-héros et leur omniprésence. Une assertion hautement discutable, donc, mais qui repose sur un constat : que ce soit dans son rythme, dans l’utilisation (l’absence en l’occurrence) d’effets spéciaux, Incassable est à l’opposée du film de super-héros.
Jusqu’à ce parti-pris qui consiste à éviter constamment toute image ne serait-ce que vaguement spectaculaire. Le film commence quand même par une catastrophe ferroviaire dont on ne voit… qu’une sorte de pressentiment dans le regard pas bien vif de Bruce Willis. Bruce Willis, déjà dans son penchant faciès de marbre, regard fatigué, jamais aussi bien que lorsqu’il incarne un personnage coupé du monde.
Ici, il est servi. Le film se concentre en grande partie sur ce vide qui habite son personnage. Et logiquement, l’acteur trouve l’un de ses meilleurs rôles de la décennie qui s’ouvre (et d’une grande partie de la précédente), retrouvant l’intensité qui était la sienne au début de sa carrière. Shyamalan renoue aussi avec le duo des opposés qu’il formait déjà avec Samuel L. Jackson dans Die Hard 3 (alors l’un de ses derniers très bons films). Dans un esprit différent, certes, mais il y a sans doute un truc à creuser là-dedans. L’emphase de Jackson est en tout cas un contrepoint parfait aux airs dépressifs de Willis…
Shyamalan n’a pas toujours été un cinéaste d’une immense finesse. Ici, il réussit de très scènes intimistes, offrant une belle vision d’un couple en crise. Même si son rôle se limite à quelques scènes, Robin Wright apporte une belle intensité à cette épouse que Bruce n’a plus le cœur d’aimer. Le portrait d’un homme qui se rouvre à son entourage quand il apprend à connaître sa nature profonde. Qui se trouve être celle d’un super-héros.