Black Rain (id.) – de Ridley Scott – 1989
C’était quand même très bien, le cinéma de Ridley Scott, avant que le gars ne prenne le melon. Aujourd’hui, je suis tout surpris quand, par hasard, je tombe sur l’un de ses films qui me procure un vrai plaisir (Seul sur Mars). Il y a quelques décennies de ça, il enchaînait les films mémorables avec une envie de cinéma qui emportait systématiquement l’adhésion. C’est le cas avec ce polar presque banal sur le papier, mais totalement réjouissant.
Pour le coup, Scott se la joue presque humble, même, revendiquant ouvertement la parenté de son film avec Yakuza, que Sydney Pollack a réalisé quinze ans plus tôt, et dont il reprend l’un des acteurs principaux, Ken Takakura, dans un rôle comparable. Il y joue un policier japonais chargé de chaperonner deux flics américains qui ont laissé échapper le dangereux prisonnier qu’ils escortaient, joués par Michael Douglas (tout juste oscarisé pour Wall Street) et Andy Garcia (qui n’allait pas tarder à connaître l’apogée de sa carrière avec Le Parrain 3).
Pourtant, c’est à un film d’un tout autre genre que Black Rain fait furieusement penser : à Blade Runner, le chef d’œuvre de Ridley Scott, dont ce polar nerveux reprend en partie l’esthétique, et la vision de la mégalopole absolue que représente ici Tokyo. Sept ans après, c’est comme si Scott imaginait une sorte de prolongement de son classique de la SF dans l’univers du polar contemporain.
C’est esthétisant à souhait, avec ses néons omniprésents et ses volutes de fumée. Mais loin de se cantonner à un exercice de style qui aurait pu être vain, ce mélange des genres s’avère fascinant, et d’une efficacité redoutable. Ces images envoûtantes et parfois presque irréelles soulignent parfaitement le sentiment que ces deux flics sont des intrus dans cette société japonaise dont ils n’ont ni les manières, ni les codes.
Cette confrontation des cultures n’a rien de nouveau. De French Connection 2 à L’Année du Dragon, le polar est même un genre idéal pour développer ce thème. Mais il y a derrière l’esthétisation extrême du cinéaste une efficacité absolument imparable, qui éclate lors d’une séquence particulièrement tendue – et traumatisante – de mise à mort dans les couloirs déserts d’un centre commercial.
Black Rain est un pur polar, rien de plus au fond. Et cette modestie sied parfaitement à un Ridley Scott, jamais aussi bon que lorsqu’il s’attaque au film de genre, sans chercher à réaliser son grand-œuvre définitif. Le film est d’ailleurs souvent oublié lorsqu’on évoque sa filmographie. Injustement : Black Rain fait partie de ses plus grandes réussites.