Les Anges de la nuit (State of Grace) – de Phil Joanou – 1990
Voilà un film qui porte bien son titre : le réalisateur Phil Joanou est en état de grâce lorsqu’il signe ce polar noir et tragique, qui annonce d’une certaine manière les grandes œuvres à venir d’un James Gray. Les carrières ne sont pas les mêmes : là où Gray enchaînera les chefs d’œuvres, Joanou reste l’auteur d’un film, grand mais sans suite hélas (Joanou tournera encore quelques films moins réussis, mais se tournera surtout vers les séries télé).
Il n’y a pourtant pas grand-chose à jeter dans ce film âpre et violent, véritable tragédie urbaine. La dernière séquence est sans doute en deçà, quelque peu parasitée par des ralentis très John-Woo-iens (son influence commence à se faire sentir, à cette époque à Hollywood) qui diluent l’émotion quand elle devrait être à son apogée. Et la musique de Morricone est peut-être un rien trop démonstrative. OK.
Mais ces quelques bémols mis à part, Joanou flirte avec le sans-faute, avec cette histoire de famille très shakespearienne. Et avec un casting magnifique. Sean Penn en tête, ancien délinquant qui revient dans son quartier de Hell’s Kitchen après douze ans d’absence et retrouve ses amis d’enfance : Gary Oldman en paumé taré, sa sœur Robin Wright qui tente d’échapper à la violence et dont Penn est raide dingue, et leur frère Ed Harris devenu caïd glacial.
Il est question de fraternité, d’amitié, d’amour, de fidélité, et de trahison. Parce que Sean Penn n’est pas celui que l’on croit, et que son retour au bercail sera nettement plus violent que ce qu’il imaginait, dans ce quartier qu’il reconnaît à peine, où les manières sont devenues plus importantes que l’honneur. Où on reproche à un homme de faire tomber des miettes tout en lui demandant de tuer un ami d’enfance.
Phil Joanou ne révolutionne pas le genre : son film est emprunt d’influences prestigieuses, celles de Scorsese et Coppola notamment. Mais il donne un rythme implacable et crée une atmosphère de plus en plus étouffante, utilisant parfaitement les décors new-yorkais pour accentuer le malaise grandissant de son personnage principal. Dans State of Grace, filmé constamment à hauteur d’homme, la violence est omniprésente, implacable. Le film est tragique, et très beau.
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