Les Damnés de l’océan (The Docks of New York) – de Josef Von Sternberg – 1928
La suie et la sueur dans l’antre d’un paquebot, l’alcool bon marché et les femmes faciles des bas-fonds… Josef Von Sternberg apporte une vérité stupéfiante à cette chronique d’un amour naissant, à laquelle il refuse à peu près tout semblant de romantisme.
C’est le Sternberg première génération : celui de l’avant-Marlene, sa période muette, pas la moins intéressante, comme le confirme ce film d’une puissance visuelle rare. Chaque image semble comme volée à cet environnement hostile, comme s’il emmenait réellement le spectateur (et les personnages) dans ce troquet puant et peu aimable, dans cette chambre sans charme et sans chaleur, ou dans cette soute à la chaleur infernale.
Drôle de couple aussi : George Bancroft en gros bras viril qui se surprend à s’attacher à cette jeune femme qu’il a sauvée de la noyade, et qu’il épouse presque par bravade. Et Betty Compson, prostituée dépressive, tellement reconnaissante du sort que lui réserve ce type mal dégrossi.
Entre eux, dans ce décor fascinant mais hostile (le personnage du bar, par exemple, aurait sans doute été bienveillant devant la caméra de n’importe quel autre réalisateur), Sternberg filme la naissance de la tendresse. Ce n’est pas de la passion, peut-être même pas de l’amour, mais cette tendresse, dans ce décor-là, a quelque chose d’une pureté bouleversante.