Chagrin d’amour (Smilin’ through) – de Frank Borzage – 1941
Pour son premier film en couleur (si on excepte le Billy le Kid qu’il a commencé la même année, sans être crédité), Borzage signe un remake assez fidèle de deux films tournés par Sidney Franklin en 1922 (avec Norma Talmadge) et 1932 (avec Norma Shearer). L’utilisation du Technicolor est d’ailleurs loin d’être anodine : avec ses tons sombres et automnales, le film met joliment en images les troubles du cœur et de l’époque.
Le film est un remake, mais ce sont des thèmes très borzagiens que l’on y retrouve : l’amour par-delà la mort, la menace de la guerre, le coup de foudre, les débuts difficile d’un couple… Il y a aussi ces destins qui se répondent ou se répètent d’une génération à l’autre, déjà à l’œuvre dans The Circle par exemple. Bref : une histoire taillée sur mesure pour le grand Frank, qui signe d’ailleurs un fort joli mélodrame, plein de beaux moments en état de grâce.
C’est l’histoire d’une jeune femme élevée en Angleterre par un oncle hanté par la mort de sa jeune épouse, des décennies plus tôt. La nièce tombe amoureuse d’un Américain de retour sur la terre familiale, et dont on découvre qu’il est le fils du type qui a assassiné la femme du tonton. Autant dire que ce tonton, si bon soit-il, voit cette idylle d’un bien mauvais œil. Jusqu’au jour où le jeune amant part pour les tranchées…
Il y a là matière à un gros mélo bien lacrymal. Mais Borzage évite l’écueil avec sa délicatesse habituelle. La guerre, que le cinéaste évoque dans tant de films sans en montrer grand-chose, n’est ici qu’une menace à peine perceptible : les bruits de canons au loin, des vitres qui tremblent… Mais c’est une menace constante qui annonce guerre, morts, et séparations. Mais c’est hors champs que se joue cette guerre, dès le très beau plan du départ de Gene Raymond, l’acteur sortant du cadre et les carrés de lumière figurant la marche du train, beau clin d’œil au fameux plan de L’Opinion publique.
Le bémol, c’est le caractère musical du film. Comme d’autres Borzage avant lui (Song o’ my heart, ou les films qu’il a tournés avec Dick Powell, Flirtation Walk et Shipmates forever), celui-ci est fait pour mettre en valeur les talents vocaux de sa star. Jeanette MacDonald en l’occurrence, bonne actrice et bonne chanteuse, mais dont les airs un peu vieillots d’opérette et la voix cristalline de cantatrice finissent par lasser.
Entre deux chansons, heureusement, on retrouve la vérité des rapports humains : ceux si romantiques de la belle et de Gene Raymond (« It’s so wonderful : opening my eyes and seeing you »), les deux acteurs interprétant par ailleurs également les rôles de l’épouse assassinée et de son meurtrier dans un long flash-back. Mais aussi l’amitié entre le tonton (Brian Aherne) et le révérend du village (Ian Hunter) belle histoire d’une tendre fidélité entre deux hommes vieillissants.
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