Les Copains d’Eddie Coyle (The Friends of Eddie Coyle) – de Peter Yates – 1973
Glacial et anti-romantique au possible, ce polar poisseux et méconnu vaut mieux que le désintérêt total qui l’a accueilli à sa sortie. Rien d’immédiatement séduisant, il est vrai, là-dedans : le réalisateur à succès de Bullitt choisit de prendre le contre-pied à peu près systématique de toute l’iconographie du polar noir.
Noir, oui, mais sans l’ombre d’un truc cool ou fun à l’horizon. Côté décors : de tristes banlieues, des parkings, des terrains en friche, des usines désaffectées, du béton, de la grisaille… Côté personnages : des petits malfrats sans envergure, des flics à la ramasse… Et au milieu, l’immense Bob Mitchum, sa carcasse fatiguée, son regard bas…
La grande idée du film : faire de cette icône du film noir un type un peu minable, amoureux d’une femme plus très jeune et pas très jolie, père de deux enfants… et prêt à balancer ses potes pour éviter d’aller en prison. Parce que l’homme doit retourner purger sa peine dans quelques jours. Pas une peine à vie, non, pas même 30 ans : 2 ans. Pas pour meurtre, ni pour une série de cambriolages spectaculaires : pour avoir conduit un camion chargé d’alcool de contrebande.
Rien d’héroïque donc, chez lui. Rien dont il pourrait tirer une quelconque gloire, si douteuse soit-elle. Et rien qui ferait de lui quelqu’un de différent, qui serait au-dessus de la mêlée : malgré les longues tirades qu’il assène, ces conseils qu’il prodigue à qui veut l’entendre dans des dialogues étonnants, pré-tarantinesques à certains moments, le fait est là : Bob est complètement dépassé par les événements.
Ils le sont tous, d’ailleurs, du flic aux vendeurs d’armes en passant par les braqueurs. Le suspense, efficace, qui se dégage des moments de bravoure (braquages, arrestations, rendez-vous nocturnes…) tient surtout au fait que personne ne maîtrise vraiment la situation, et que tout peut donc arriver. La fin, sèche et glaçante, enfonce le clou. Les Copains d’Eddie Coyle est un film pas aimable, mais marquant.
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