Crisis in six scenes (id.) – de Woody Allen – 2016
C’était l’époque où tout allait bien entre Woody Allen et Amazon. Une époque lointaine : 2016, alors que tout souriait au jeune octogénaire, qui enchaînait les réussites (artistiques et commerciales) à son rythme immuable d’un film par an. Cette année-là, le cinéaste entame une collaboration qui s’annonce fructueuse avec la plateforme, qui distribue son Café Society et le convainc de réaliser pour elle sa première série télé.
Un projet forcément excitant, pour lequel Woody Allen a toute liberté de faire ce qu’il veut. Le résultat est du pur Woody Allen, mais laisse quelque peu dubitatif. A vrai dire, Crisis in six scenes a tout du rendez-vous manqué, ou de la fausse bonne idée. Une série ? Ce projet en a vaguement la forme : six épisodes (d’une bonne vingtaine de minutes chacun), avec à chaque fois une dernière image ou une dernière réplique qui fait timidement office de cliffhanger…
Visiblement pas passionné par ce nouveau langage que représente pour lui la série télé, avec toutes les opportunités que cela peut lui offrir, Woody Allen fait ce qu’il fait depuis des décennies, et comme il l’aurait fait pour le cinéma, si ce n’est qu’il s’agit d’une œuvre de commande… et du plus long de ses longs métrages, avec ses quelques 2h15 pas si bien remplies que ça, et surtout pas si originales que ça.
On l’attendait en liberté, on l’espérait en mode expérimental, et voilà qu’on le trouve en terrain connu et archi-balisé. Woody Allen lui-même, donc, en écrivain raté, casanier et hypocondriaque, dont la vie bien ordonnée va être bouleversée par l’arrivée d’une jeune révolutionnaire recherchée par la police (Miley Cyrus): la jeune femme va révéler les personnalités cachées de son épouse (Elaine May, très bien), sexologue pour couples en crises avec une tendance fort prononcée pour le vin blanc, et leur protégé, fils de bonne famille destiné à une carrière dans la finance.
Un détail qui n’en est pas un : l’histoire se déroule durant les années 60, une époque de grande turbulence aux Etats-Unis. Confronter le personnage si familier et si immuable de Woody Allen à ces bouleversements qui affectent directement sa routine (jusqu’à une dernière séquence bordélique et réjouissante) est la meilleure idée du film. Pardon, de la série.
C’est un Woody Allen sans grande surprise, donc, qui rappelle par bien des aspects ses films les plus paresseux des années 90. Mais même en mode mineur, on retrouve l’élégance de sa mise en scène et son sens du dialogue tout de même génial : « We can build on guacamole », lance ainsi Elaine May à un couple que rien ou presque ne rapproche… Et puis Woody n’avait plus tenu le rôle principal d’un de ses films depuis près de quinze ans (Hollywood Ending). Et vu ses problèmes actuels, ce pourrait bien être son dernier rôle…
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