Le Destin se joue la nuit (History is made at night) – de Frank Borzage – 1937
Une jeune femme quitte son mari, riche armateur paranoïaque et tyrannique, persuadé qu’elle le trompe. Pour établir sa faute, il lui tend un piège, mais la jeune femme est tirée d’affaires par un inconnu. Forcément, ces deux là tombent éperdument amoureux l’un de l’autre.
On est chez Borzage, et l’amour est au cœur de tout, toujours pour le meilleur. D’ailleurs, si le film démarre plutôt mollement, laissant craindre un instant qu’il ne s’agisse que d’une commande pour un réalisateur qui aurait filmé ça à la légère, une scène vient rapidement nous rassurer : celle du premier baiser, d’une beauté toute borzagienne.
Il n’en fait pas trop, le plus romantique des cinéastes : juste un plan moyen sur deux visages qui se rapprochent, ceux de Jean Arthur et de Charles Boyer, rien de plus. Et c’est magnifique. Borzage a ce talent incroyable de créer du mouvement et de la vivacité, et de tout mettre entre parenthèse l’espace d’un instant de beauté pure. Le miracle se produit ici, encore et toujours.
Ample et généreux, le film n’en finit pourtant pas de surprendre, tant il joue sur différents registres. La romance bien sûr, avec ce couple inédit, improbable (la très Américaine interprète des films de Capra, face au plus élégant des frenchies) et séduisant. Mais aussi le suspense, avec ce mari jaloux et machiavélique. Et même le film catastrophe, avec un final comme un hommage à la tragédie du Titanic, 25 ans plus tard.
Ce n’est certes pas le plus abouti de ses films : ni le plus émouvant, ni le plus euphorisant, ni même le plus juste socialement. Mais Borzage réussit des tas de belles scènes, associant des éléments de comédie et de drame comme il mélangerait les ingrédients d’une recette, avec la même gourmandise que ce personnage de chef cuisinier, César (Leo Carillo), meilleur ami de Boyer et ressors comique inépuisable dans les cuisines de différents restaurants.
Avec ses allers-retours entre Paris et New York, ce Borzage est une gourmandise généreuses et fort séduisante. Une sorte d’hommage à ce fameux charme français qu’incarne parfaitement Boyer, nettement plus sincère et vibrant que la vision qu’en donnait Borzage dans Ils voulaient voir Paris.
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