Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour février, 2019

Peaky Blinders (id.) – saison 3 – créée par Steven Knight – 2016

Posté : 18 février, 2019 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Polars européens, 2010-2019, KNIGHT Steven, MIELANTS Tim, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Peaky Blinders saison 3

Sauvé de la mort in extremis par les hommes de Churchill, Thomas Shelby est désormais redevable envers l’homme fort d’Angleterre. Y compris le jour de son mariage tant attendu avec la belle Grace, la femme qu’il aime, l’unique personne capable de contenir sa rage. Mais la violence appelle la violence, et la tragédie guerre. Lorsqu’elle arrive, c’est tout un fragile équilibre qui explose.

Comme un fascinant fil rouge, le « Red Right Hand » de Nick Cave rythme une nouvelle fois cette ébouriffante troisième saison, tantôt envoûtante, tantôt rageuse, tantôt éthérée. L’utilisation de cette chanson, et d’autres, reste l’une des grandes particularités de la série de Steven Knight, la première sans doute à utiliser le « Lazarus » de David Bowie et le « You want it darker » de Leonard Cohen, deux chansons marquées par la mort.

C’est dire si la mort est omniprésente dans cette saison, qui marque le basculement de la famille Shelby, et la fin d’une époque. La violence est rare, elle n’en est que plus percutant et traumatisante. L’esthétisme fascinant de la série n’enlève strictement rien au poids de cette violence, qui est plus que jamais le sujet du show : la violence et ses conséquences, au cœur de tous les drames qui se nouent.

Dans le rôle de Thomas, le chef de la famille Shelby, Cilian Murphy est d’une intensité rare. Cette troisième saison lui donne la possibilité de donner toute l’étendue de son talent, son personnage passant par à peu près tous les états inimaginables, de la paix intérieure à la douleur la plus vive en passant par la folie, la rage et le cynisme. Un personnage tiraillé par ses démons, dont on ne peut qu’imaginer tout ce qu’il peut encore donner à la série.

Le personnage de son frère Arthur est tout aussi passionnant, homme de main rongé par ses péchés, qui lutte contre ses démons, mais que sa fureur mal renfermée rattrape sans cesse. Comme la tante Polly, femme forte et fière, rattrapée par ses désirs de femme et de mère, en rupture avec la violence dans laquelle s’est enfermée la famille Shelby. Deux personnages magnifiques, portés par deux acteurs particulièrement habités, Helen McCrory et Paul Anderson.

Peaky Blinders dresse une peinture sans concession de l’Angleterre des années 20 avec ses politiciens véreux et ses hommes d’église peu fréquentables. La série de Steven Knight, visuellement magnifique, et totalement addictive, continue son sans-faute. Vivement la suite.

* Voir aussi la saison 1 et la saison 2.

Young America (id.) – de Frank Borzage – 1932

Posté : 17 février, 2019 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Young America

Je mets quiconque au défi de ne pas verser sa petite larme face au parcours de ce gamin de 13 ans rejeté par tous. Lorsque sa tante, qui l’élève dans la misère depuis la mort de sa mère, lance au juge qu’elle ne veut plus s’occuper de ce gosse qui n’a rien de bon en lui, il faudrait être un monstre pour ne pas baisser la garde et se laisser à des torrents d’émotion. D’ailleurs, c’est bien simple : que celui qui a vu ce film sans être ému quitte cette page immédiatement !

C’est encore un film magnifique que signe Borzage. Pourtant, tout était en place pour un film bien lénifiant et bien plombant. Dès la séquence d’ouverture, dans un tribunal pour enfants, on a droit à un déchaînement de bons sentiments, avec ce juge affalé sur son fauteuil, qui déploie des trésors de patience et de bienveillance pour ne pas condamner les gamins qui défilent devant lui à la prison, ou pire : à des institutions spécialisées qui leur enlèveraient toute chance de vivre leur vie.

Mais on est chez Borzage, et Borzage est non seulement un homme qui croit profondément en la force de l’amour et en la bonté de l’homme, mais aussi un cinéaste qui réussit à nous y faire croire aussi. C’est dire si c’est un génie. Et cette fois encore, on fond littéralement devant ce gamin ballotté par la vie et par la malchance, dont toutes les misères sont la conséquence de sa gentillesse : puni à l’école pour avoir aidé son ami, condamné pour avoir voulu aider une vieille dame malade…

Il est magnifique ce personnage (joué par le formidable Tommy Conlon, qui ne retrouvera hélas pas d’autre rôle de cette envergure), dont personne ne voit la beauté profonde si ce n’est la jeune épouse d’un riche pharmacien (Doris Kenyon), tellement désœuvrée qu’elle décide de tout mettre en œuvre pour le sauver malgré les avis contraires de tous, y compris de son mari, interprété par un réjouissant Spencer Tracy.

Ni dans les rapports humains, ni dans l’enchaînement des drames, le film n’est économe. Mais la sensibilité de Borzage transforme ce qui aurait pu être un simple mélo larmoyant en un film plein de vie, d’optimisme, et de bienveillance. Borzage est grand.

Point Break, extrême limite (Point Break) – de Kathryn Bigelow – 1991

Posté : 16 février, 2019 @ 8:00 dans 1990-1999, ACTION US (1980-…), BIGELOW Kathryn | Pas de commentaires »

Point Break 1991

Keanu Reeves sous la pluie, ses longs cheveux noirs volant au ralenti lorsqu’il se tourne vers la caméra. Patrick Swayze dans l’eau, ses longs cheveux blonds volant au ralenti lorsqu’il se tourne vers la caméra… Kathryn Bigelow a fait plus délicat que cette ode à la liberté et aux grands frissons, film devenu culte mais qui accuse quand même assez lourdement ses presque trente ans.

C’est clairement le film d’une époque, avec cette esthétique parfois outrancière et ses dialogues impossibles, qui tirent par moments quelques sourires gênés. Surtout que jamais Bigelow ne s’est contentée, avant ou après, d’un scénario aussi bourré de facilités et de raccourcis. Et que, franchement, ni Keanu Reeves ni Patrick Swayze ne sont des acteurs renversants, en particulier ici, où ils se contentent d’être des stéréotypes.

Cela dit, ces stéréotypes sont assumés, tout comme les rebondissements improbables. Impossible de croire en cette histoire de surfeurs-braqueurs ? Oui, totalement impossible, sauf qu’à défaut d’y croire, on marche quand même, emporté par le rythme, les images assez bluffantes (même si l’accumulation de ralentis met bien en valeur les doublures des deux stars) et le caractère hyper fun de tout ça.

Les scènes de surf finissent certes par être un rien répétitives, mais le scénario glisse habilement vers un autre sport extrême avant de lasser vraiment, en l’occurrence le saut en parachute, qui a rarement été filmé avec autant d’habileté et avec un tel sentiment d’immersion. A tel point qu’on finit même par s’attacher aux personnages, si caricaturaux soient-ils. Et même si aucun des acteurs principaux n’arrivent à la cheville de Gary Busey, second rôle génialement utilisé ici, réjouissant quand il en fait des tonnes. Et il ne s’en prive pas.

Le dernier Don Farel (The Pride of Palomar) – de Frank Borzage – 1922

Posté : 15 février, 2019 @ 8:00 dans 1920-1929, BORZAGE Frank, FILMS MUETS, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Dernier Don Farel

Au début des années 20, Borzage oscille encore le film d’aventures et des œuvres plus personnelles comme Humoresque ou Back Pay. The Pride of Palomar fait clairement partie de la première catégorie. C’est même la dernière fois avant un bon moment (au moins une vingtaine d’années) que Borzage réalise un film à ce point basé sur les rebondissements et l’action pure.

Dans ce faux western, le héros est un jeune homme, héros de la Grande Guerre, dont tout le monde pense à tort qu’il a été tué sur le front. Lorsqu’il revient chez lui, en Californie, c’est pour découvrir que son père est mort de chagrin, et que le ranch familial est entre les mains d’un riche homme d’affaires associé à un inquiétant Japonais qui veut créer une colonie pour les siens. Il découvre qu’il a un an pour réunir la fortune qui lui permettra de lever l’hypothèque qui menace la propriété. La fille de son riche rival va l’aider à y parvenir.

On sait comment tout ça va finir bien sûr. Mais la Borzage touch suffit à éviter l’impression de déjà-vu, parce qu’il y a derrière toute cette histoire une bienveillance que l’on attend pas forcément dans une telle histoire. Une bienveillance qui serait presque universelle s’il n’y avait ces Asiatiques si fourbes… Oui, commandé par William Randolph Hearst en personne, le film prend clairement le parti de mettre en garde contre le péril jaune, à une époque où la croyance populaire voyait un danger imminent dans l’arrivée plus ou moins massive d’immigrés japonais, en Californie ou ailleurs.

Pas de racisme japonais pour autant : les Chinois subissent le même sort, dans ce film où les deux seuls personnages asiatiques (un Japonais puissant et un Chinois aux ordres) ne sont que des stéréotypes dénués d’humanité. On ne sera d’ailleurs pas surpris de constater qu’aucun acteur d’origine asiatique ne figure au générique : le fourbe japonais est incarné par Warner Oland (un spécialiste de ce type de rôles), et son non moins fourbe homme de main chinois par un Américain d’origine indienne.

Difficile, donc, d’aimer véritablement ce film. Il y a pourtant quelques très beaux moments très borzagiens, d’une grande sensibilité : la mort du père, filmée de loin au bout de l’allée d’une église, parallèlement à des gros plans sur une cloche battant à son plein ; ou encore le retour du héros, elle aussi filmée dans une sorte de couloir, formé cette fois par deux rangées d’arbres. La manière dont le chien de la famille se précipite vers lui et se love contre lui après quelques secondes d’hésitation a quelque chose de bouleversant.

Allen in movieland (id.) – de Dick McDonough – 1955

Posté : 14 février, 2019 @ 8:00 dans 1950-1959, CURTIS Tony, EASTWOOD Clint (acteur), McDONOUGH Dick, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Allen in movieland

Voilà une curiosité dans la carrière de Clint Eastwood. 25 ans, sous contrat à la Universal depuis quelques mois, Clint venait alors de décrocher sa première panouille à l’écran dans La Revanche de la créature (sorti trois mois plus tôt dans les salles américaines). Et il fait ici sa toute première apparition télévisée, dans un programme destiné à promouvoir les dernières productions de la Universal.

Intéressant à plus d’un titre, ce programme démontre d’abord qu’à l’époque, on ne se contentait pas de diffuser les bandes annonces. Allen in movieland met en scène Steve Allen, vedette de la télévision choisie pour incarner Benny Goodman dans un biopic, que l’on voit découvrir les studios dans une série de scènes humoristiques.

Il y croise de nombreuses vedettes maison : Tony Curtis qui répète des cascades de son nouveau film (Les Années sauvages), Audie Murphy qui évoque son film autobiographique L’Enfer des hommes, Piper Laurie qui pousse la chansonnette, ou encore Jeff Chandler. Ce dernier présente son dernier film (La Muraille d’or avec Jane Russell), prouve qu’il a un beau timbre de voix… et devient le premier à prononcer le nom de Clint Eastwood à l’écran !

Le narrateur du programme explique le fonctionnement du studio, et notamment la politique visant à prendre des jeunes talents sous contrats pour les former (et les avoir sous la main). C’est ce que connaît Clint à cette époque, et le voilà jouant les utilités auprès de deux autres jeunes acteurs (Rex Reason et Grant Williams) dans un court métrage adapté de Bright Victory.

Il y est d’ailleurs très bien, même si son rôle n’est qu’un contrepoint à ceux de ses deux comparses : un jeune soldat devenu aveugle qui s’en prend amèrement à l’officier qui tente de l’aider, sans réaliser que ce dernier a lui-même perdu la vue. Un simple observateur, à l’exception d’une réplique percutante qui « ouvre les yeux » du jeune soldat.

Comme un petit signe du destin : ce passage est suivi par un numéro dansant sur la musique de « That all black magic », chanson de Harold Arlen et Johnny Mercer que Clint Eastwood utilisera quelques décennies plus tard dans Minuit dans le jardin du bien et du mal (chantée alors par Kevin Spacey).

Et puis, pour ce grand amoureux de jazz, cette expérience a dû être marquante : dans la scène finale de Allen in movieland, tout le cast se réunit autour de Steve Allen et de Benny Goodman lui-même, qui se lancent dans un duo piano-clarinette. On y voit très clairement Clint Eastwood dodelinant de la tête et affichant un large sourire derrière l’épaule de Goodman. Classe.

Ceux de la zone (Man’s Castle) – de Frank Borzage – 1933

Posté : 13 février, 2019 @ 8:00 dans 1930-1939, BORZAGE Frank, YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

Ceux de la zone

Une ville, la nuit. Sur un banc, un homme en smoking et une jeune femme au regard perdu. Elle semble désespérée, lui habité par une confiance et une sérénité à toute épreuve. En quelques minutes, il décide de la prendre sous son bras, l’emmène dans un restaurant chic, lui redonne le sourire. Et on se dit que Borzage ne perd par de temps pour planter son décor, et introduire ce couple improbable dont on imagine d’emblée ce qu’il peut s’apporter mutuellement…

On se dit même que Borzage n’a pas peur des stéréotypes ni des idées reçues, tant cette rencontre d’une pauvrette et d’un homme fortuné semble familière. Sauf que rien n’est ce qu’il paraît. Au moment où on s’y attend le moins, Borzage lève le voile : lui est aussi pauvre qu’elle. La grande différence, c’est que lui le vit bien, incapable qu’il est de suivre des règles qu’on veut lui imposer, ou de trouver sa place dans une société normale. Un homme libre, et heureux de l’être, donc.

Une société, il en a pourtant bel et bien trouvé une : la « zone », sorte de bidonville créée dans un vaste terrain vague par les laissés pour compte de la crise de 1929. C’est le même décor, en quelque sorte, que celui de Invasion Los Angeles, 60 ans plus tard : le temps passe, les crises se succèdent, et rien ne change vraiment au pays du capitalisme triomphant. Et si le ton entre les deux films est radicalement différent, c’est moins l’époque qui le veut (l’entraide et le sens de la communauté sont également présents), que la personnalité du réalisateur.

Parce que Borzage est tout le contraire d’un cynique : c’est un romantique, un vrai, pour qui rien d’autre ne compte vraiment que l’amour. Alors, forcément, le couple qu’il filme magnifique : Loretta Young et Spencer Tracy, beaux et bouleversants. Elle, sauvée d’un probable suicide par cet homme hors du commun. Lui, amoureux incapable de se l’avouer, tant l’idée même d’avoir la moindre contrainte lui paraît insupportable. Comme celle d’avoir un toit au-dessus de la tête.

Entre eux : le sifflet d’un train qui retentit régulièrement, symbole pour lui de son désir de liberté, symbole pour elle de cette liberté qui pourrait bien la priver de son bonheur, un jour ou l’autre… Ce bonheur qu’elle a trouvé dans le bidonville, dont Borzage fait une peinture fascinante et bienveillante, mais aussi saisissante de vérité.

Il est beau, ce couple improbable. Il est beau parce que tout est dans les non dits, dans ces petits gestes, ces regards, les grands yeux de Loretta Young, le petit sourire de coin de Spencer Tracy, les maladresses, les corps qui s’enlacent comme si rien d’autre n’existait, et ces petits riens d’où surgissent des torrents d’émotion. Qui d’autre que Borzage pourrait faire ressentir la passion la plus extrême à partir d’un simple four, ou le désespoir à partir d’une fleur négligemment jetée dans la soupe ? Lui le fait, et c’est magnifique.

Le Repentir (Back Pay) – de Frank Borzage – 1922

Posté : 12 février, 2019 @ 8:00 dans 1920-1929, BORZAGE Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Repentir

Dans une petite ville de province, une jeune femme s’ennuie ferme. Plutôt que de profiter des beautés de la campagne, de la bonté des habitants et de l’amour que lui porte son fiancé, elle ne pense qu’à ces trains qui, chaque jour, partent pour New York. Sans elle. Jusqu’au jour où elle décide de franchir le pas, et part mener la grande vie dans la Big Apple. Entretenue par un pilier de Wall Street, elle pense avoir oublié son amour de jeunesse. Et c’est alors que la guerre éclate…

Borzage peaufine son style et affirme son univers, dans ce très beau mélodrame, parfait trait d’union entre Humoresque, dont le succès lui avait ouvert de nouvelles portes, et ses grands chefs d’œuvre à venir comme L’Heure suprême. Il y a un point commun évident entre ces trois films : l’irruption de la Grande Guerre dans une grande histoire d’amour. Et cette sensation, que fait naître le lyrisme de Borzage, que le miracle de l’amour peut tout, sensation troublante jusqu’à la toute dernière image.

Il y a aussi une différence majeure ici : si le fiancé est un personnage assez simple et linéaire, la jeune héroïne est, elle, victime de ses goûts de luxe, dont elle sait d’emblée qu’ils la priveront de tout bonheur simple possible. Borzage a beau filmer cette petite ville de province comme un paradis préservé, où la nature est luxuriante et baignée d’une belle lumière, et où les jeunes et les vieux se retrouvent pour des pique-niques festifs comme une communauté idéalisée… Il a beau souligner la vacuité de l’effervescence new-yorkaise où tout n’est que plaisir immédiat et apparence… Rien n’y fait.

On voit bien où tout ça nous mène, mais le film est d’une telle justesse que l’émotion emporte tout, constamment. Borzage évite consciencieusement d’appuyer sur le trait comme le feraient d’autres à sa place. Un personnage le prouve : Wheeler, qui entretient la jeune Hester à New York, un homme entre deux-âge, riche… et bienveillant, loin du vieux libidineux qui aurait pu souligner le caractère perdue de la jeune femme. Tout est beaucoup plus nuancé devant la caméra de Borzage.

La situation n’est est que plus bouleversante : lorsque Hester revient brièvement dans sa ville natale et retrouve l’homme qui l’a tant aimée, on la sent tiraillée entre la vie confortable mais insignifiante qu’elle a choisie, et ce passé incertain mais pur qu’elle a volontairement quitté. Et c’est absolument magnifique, comme ce dégoût d’elle-même que l’on voit naître, et cette culpabilité qui éclate en même temps que le drame de la guerre…

Dans le rôle principal, Seena Owen (vue dans Intolérance) est très bien, présentant une ressemblance assez troublante avec Margaret Sullavan, gamine à l’époque, mais que Borzage dirigera quatre fois (dans quatre films importants) entre 1934 et 1940. De toutes les scènes, elle porte sur ses épaules ce film magnifique qui, semble-t-il, a inspiré Chaplin pour L’Opinion publique

Pink Cadillac (id.) – de Buddy Van Horn – 1989

Posté : 11 février, 2019 @ 8:00 dans 1980-1989, ACTION US (1980-…), EASTWOOD Clint (acteur), VAN HORN Buddy | Pas de commentaires »

Pink Cadillac

C’était l’époque où le grand Clint n’avait rien sans rien. La fameuse époque où il sacrifiait avec la Warner à ce principe : un film pour eux, un film pour moi. Principe dont le succès critique et public et la reconnaissance d’Impitoyable le débarrasseront. Trois ans avant son ultime western, Eastwood semble encore loin de ce statut privilégié qui sera le sien.

Entre Bird et Chasseur blanc cœur noir, deux films personnels qui lui vaudront d’être enfin pris au sérieux par les critiques, Eastwood accepte donc d’enchaîner deux films de commande qui peineront à séduire le public : un cinquième Inspecteur Harry et ce Pink Cadillac. Deux films particulièrement dépourvus d’ambition qui résument à eux seuls l’impasse dans laquelle la star se dirigeait… et qui l’amènera à sortir de ses tiroirs ce fameux scénario de western crépusculaire qu’il gardait depuis une dizaine d’années.

Pink Cadillac est un cas unique dans la carrière d’Eastwood : un film si improbable, au-delà même de ses défauts manifestes, que les distributeurs n’ont même pas pris la peine de le sortir en salles dans des pays comme l’Angleterre ou la France, pourtant les premiers défenseurs du cinéma d’Eastwood. Avec cette comédie d’action en Amérique profonde, la star pensait sans doute renouer avec le succès de Doux, dur et dingue et Ça va cogner. Raté.

La parenté avec cet improbable diptyque « avec orang-outan » est évidente. Mais malgré la qualité discutable de ces deux films, la comparaison est toujours cruelle pour Pink Cadillac. Essentiellement pour deux problèmes majeurs. D’abord les méchants du film, suprématistes blancs décidés à dézinguer les noirs et les juifs, mais qui se contentent de dégommer des cibles en carton en pleine forêt, sans pour autant être aussi ouvertement (et drôlement, si le cœur nous en dit) caricaturaux que les « Veuves noires » des précédents. Et puis la bande musicale, trois étoiles dans le diptyque, cheap et moche ici.

Poussif et lourdingue, réalisé mollement par le cascadeur Buddy Van Horn à qui personne d’autre que Clint ne laissera réaliser le moindre film, Pink Cadillac n’est cependant pas totalement aussi calamiteux que cela. Malgré ses plus de deux heures, il se laisse même voir avec un certain plaisir intermittent, grâce surtout au cabotinage de Clint, dans le rôle d’un détective qui aime se déguiser pour retrouver des fugitifs (en roue libre dès qu’il se déguise, plus posé au naturel), et à l’interprétation assez rigolote de Bernadette Peters.

Très dispensable, donc. Pink Cadillac ne vaut que comme l’étrange jalon qu’il est dans la carrière de Clint Eastwood, sur le point de prendre une direction nettement plus engageante…

Les Aventuriers du Far West : The Last Letter (Death Valley Days : The Last Letter) – série créée par Ruth Woodman – épisode réalisé par Stuart R. McGowan – 1956

Posté : 10 février, 2019 @ 8:00 dans 1950-1959, COURTS MÉTRAGES, EASTWOOD Clint (acteur), McGOWAN Stuart R., TÉLÉVISION, WESTERNS, WOODMAN Ruth | Pas de commentaires »


Death Valley Days The Last Letter

Les débuts de Clint Eastwood ont décidément été plus satisfaisants à la télévision qu’au cinéma, où ses tout premiers rôles se limitent à de brèves apparitions le plus souvent sans consistances. En 1956, il a bien droit à son nom au générique et à d’avantage de scènes que d’habitude dans The First Travelling Saleslady, mais son personnage est un cliché souriant sur patte, rigolo mais totalement inconsistant.

Cette même année, il trouve son premier rôle intéressant dans cet épisode d’une série au long cours, commencée à la radio dès les années 30, anthologie racontant des épisodes plus ou moins authentiques et plus ou moins glorieux de la conquête de l’Ouest, vers la Californie. En l’occurrence : l’histoire d’Alexander Todd, chercheur d’or qui découvre qu’il est plus facile pour lui de faire fortune en créant un service postal entre les mineurs et San Francisco.

Ce personnage authentique est interprété par William Pullen, acteur aperçu (si on cherche bien) dans Eve et Victime du Destin, et qui campe un Todd particulièrement peu attachant. Deuxième au générique, Clint Eastwood, tout jeune et légère moustache, est, de loin, le personnage le plus intéressant de l’épisode : un mineur solitaire et taciturne, qui a perdu goût à la vie et refuse d’adhérer au service postal.

Et il est très bien, le jeunôt Clint, très émouvant dans le rôle de ce pionnier malheureux au bord de la dépression, à qui le réalisateur réserve les deux plus beaux moments : des gros plans sur son visage résigné et fatigué, qui révèlent déjà l’intensité de sa présence. Bien plus en tout cas que les panouilles qu’il a eu l’occasion de faire sur grand écran jusque là.

La Mule (The Mule) – de Clint Eastwood – 2018

Posté : 9 février, 2019 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

La Mule

Il aura donc attendu dix ans avant de revenir devant sa propre caméra, pour ce qui restera sans doute un ultime baroud d’honneur ? Allez savoir… Dix ans durant lesquels Eastwood aura enchaîné les films, parfois pour le meilleur, parfois moins, à l’image de ses derniers films : Sully dans la première catégorie, Le 15h17 pour Paris dans la seconde. Dix ans aussi durant lesquels ses plus grands admirateurs espéraient qu’il renonce à son renoncement d’acteur.

Eastwood cinéaste, c’est (presque) toujours l’assurance d’un film intéressant (au minimum). Eastwood cinéaste ET acteur, eh bien c’est un genre en soit, tant il a su, et depuis longtemps, filmer son propre vieillissement de la manière la plus fascinante qui soit. De Honkytonk Man à Gran Torino en passant par Impitoyable, Les Pleins Pouvoirs, Space Cowboys ou Million Dollar Baby, Eastwood prend un malin plaisir à mettre en scène sa décrépitude, lui qui affiche pourtant, à 88 ans, une santé et une forme hallucinantes.

C’est une nouvelle fois le cœur de La Mule, beau film qui ne vaut sans doute que parce qu’il est eastwoodien. Bradley Cooper, qu’il retrouve après American Sniper, raconte amusé comment Clint s’est inspiré de son grand-père pour « jouer les vieux » de manière crédible, adoptant une démarche hésitante et grognant ses dialogues comme s’il avait du mal à articuler. Il n’y a sans doute que lui pour (à 88 ans, je le rappelle une dernière fois) décider de se vieillir comme ça…

Le résultat : un plaisir évident de renouer avec la comédie (notamment lors de l’une de ces pauses qu’il a toujours aimé glisser dans ses films, ou son personnage rencontre le flic qui le traque), une manière toute en gourmandise d’incarner ce type jouisseur qui ne pense qu’à profiter de la vie telle qu’elle se présente, s’amusant du politiquement correct lorsqu’il vient en aide à des « nègres » dont il rit sans arrière pensée lorsqu’ils lui font remarquer qu’ils sont juste « des personnes ». Un type qui n’a plus l’âge de parler avec des filtres (« mais je ne me souviens pas avoir jamais eu de filtre », précise-t-il), et dont la liberté a quelque chose de beau et émouvant.

Comme un paradis perdu, même : sa manière de parler aux « nègres », ou aux « lesbiennes à motos », marque moins pour la rudesse très impolitiquement correcte pour le coup, que pour son naturel absolu, au-delà de toute ébauche de jugement moral. Ça n’a l’air de rien, mais c’est presque révolutionnaire aujourd’hui, cette liberté de ton du type qui ne se demande pas si ses propos ne vont pas être mal compris. Peut-être est-ce l’âge, ou le sourire désarmant, mais il peut tout dire, l’empathie transparaît constamment.

Plein de grands moments d’une légèreté étonnante, La Mule n’est pas une comédie pour autant. Inspiré d’une histoire vraie, celle d’un nonagénaire qui est devenu le principal transporteur de drogue d’un cartel mexicain, le film permet aussi à Clint Eastwood de livrer une interprétation toute en nuances, et sans doute très personnelle. Car cet homme jouisseur réalise à l’aube de sa vie qu’il a sacrifié l’essentiel à son travail (il est horticulteur, passionné par les fleurs qui ne s’épanouissent qu’une journée, tout un symbole) : sa famille.

Confier le rôle de sa fille à sa propre fille, Alison, renforce le sentiment que Clint Eastwood se livre dans ce film, comme rarement auparavant. Se serait-il reconnu dans ce personnage d’Earl Stone, séducteur impénitent, homme à femmes, qui a passé plus de temps avec ses fleurs qu’avec ses proches ? Eastwood est en tout cas presque de chaque scène, et son film sonne à la fois comme un retour aux sources et comme une belle méditation sur l’importance de réussir la fin de sa vie.

La fin de son film est en cela particulièrement belle. En paix avec lui-même, ayant réglé ses comptes avec son passé, retrouvant l’essentiel, et prêt à profiter du présent en regardant un peu vers l’avenir. « Il n’y a qu’à 99 ans qu’on veut être centenaire. »

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