Humoresque (id.) – de Frank Borzage – 1920
Un jeune homme a su s’élever de sa condition modeste grâce à ses talents de violoniste. Devenu un grand soliste, et alors qu’il est sur le point de signer un contrat mirifique, la Grande Guerre éclate, et il décide de s’engager.
Voilà un beau film qui annonce à plus d’un titre les immenses chefs d’oeuvre à venir de Borzage. Son succès ouvre d’ailleurs une nouvelle ère pour lui, qui passe du statut de réalisateur de petites productions westerniennes (déjà atypique et passionnant) à celui de cinéaste important.
Il y a évidemment quelque chose qui préfigure très clairement L’Heure suprême, notamment le final : ce retour du front, que Borzage magnifiera quelques années plus tard, et qu’il expédie assez curieusement ici, comme si cette partie ne l’intéressait pas tant que ça, ou qu’il ne savait pas trop quoi en faire…
On le sent nettement plus passionné par l’enfance de son personnage, et par tout ce qui mènera à l’intrigue principale du film : ce parcours hors du commun d’un gamin du ghetto, élevé dans une famille de juifs pauvres mais aimants. Borzage signe une peinture saisissante de ce quartier populaire grouillant de vie.
Un gamin qui joue dans les escaliers de secours, des rues en proie à une animation perpétuelle, les trains qui passent continuellement à quelques mètres des fenêtres… C’est là que la mise en scène de Borzage est la plus vivante, la plus impressionnante.
Là aussi où on trouve une scène aussi brève que glaçante, où un groupe de gamins s’en prend à un enfant juif seul, le maltraitant et le marquant d’un signe « dollar » dans le dos. Cette scène, tournée en 1920 donc, est d’autant plus saisissante qu’elle contraste avec le regard bienveillant et gentiment amusé que Borzage porte sur la culture juive, et sur la bonté qui émane du film.
Une scène qui donne tout son poids au titre du film : Humoresque, genre musical qu’un personnage décrit de fort belle manière : « C’est comme la vie, ce morceau : on pleure pour cacher qu’on rit, et on rit pour cacher qu’on pleure… »
La musique est bien sûr très présente, et Borzage réussit brillamment à soulever l’un des principaux écueils de son film : comment rendre palpable la beauté de la musique, dans un film muet. Il le fait en ne filmant quasiment que des musiciens en train d’arrêter de jouer, soulignant l’effet que la musique a eu sur eux et sur leur auditoire.
Il y a ainsi une très jolie image : celle d’un vieux monsieur, ému par la musique, qui prend la main de sa femme, surprise d’un geste sans doute oublié depuis longtemps. Il y a tout le romantisme et toute la délicatesse de Borzage, dans cette simple image.
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