Je suis un aventurier (The Far Country) – d’Anthony Mann – 1954
S’il y a une constante dans les westerns du duo James Stewart-Anthony Mann, c’est bien l’importance qu’y prend la nature. Qu’elle que soit la manière dont elle s’inscrit dans le film, d’ailleurs. Et The Far country est, en cela, aux antipodes de The Naked Spur, western dépouillé à l’intrigue resserrée.
Cette fois, Mann fait le choix du grand spectacle, des grands espaces, mais aussi d’une intrigue volontairement lâche. A vrai dire, toute la première moitié est même quasiment privée de vrai fil narratif : la caméra de Mann semble errer dans ce Nord sauvage au hasard des rencontres, des choix et des mésaventures de son héros, aventurier faussement en quête de fortune.
Faussement, parce qu’on sent bien que l’aventure est un but en elle-même, et qu’il ne partage pas le besoin de son fidèle acolyte (le plus grand geignard de l’histoire du western, Walter Brennan) de se retirer dans un petit ranch bien tranquille, malgré la clochette qui l’accompagne partout : cette clochette fixée à sa selle dont il dit à qui veut l’entendre qu’il l’accrochera à la porte de sa maison… plus tard.
James Stewart est une nouvelle fois immense dans cette déambulation fascinante dans ce « far country », l’Alaska de 1896, dernier bastion sauvage où la société et l’ordre restent à construire. Tout un symbole, pour ces éternels aventuriers de l’Ouest sauvage, espèce en voie de disparition forcée de monter vers le Nord pour échapper à la civilisation déjà ordonnée. Ici, la loi est encore autoproclamée : elle prend les traits de John McIntire, génial en faux juge odieux et roublard.
Paysages grandioses, couleurs magnifiques, rythme incroyable… Nouvelle grande réussite pour Anthony Mann, à qui on pardonne volontiers le côté un peu cheap du troupeau censé être énorme mais qui se limite à l’écran à une quinzaine de bêtes égarées. Bizarre, mais jamais au point de gâcher l’immense plaisir que procure ce western indispensable. Comme tous les autres du tandem, qui chaque fois réussit à se réinventer pour signer un jalon majeur du genre.