Je dois faire un petit mea culpa. Rien de révolutionnaire, certes, mais il me faut reconnaître que Rambo 3, eh bien ça n’est pas si mal que ce que j’ai pu en dire dans d’autres chroniques, évoquant ce film comme l’une des pires bouses de la carrière de Stallone. D’abord, il a fait bien pire depuis (Evasion 2, quand même). Ensuite, ce troisième volet a certes un côté nanardesque, mais pas plus que l’épisode 2. Et puis, mine de rien, Stallone y fait déjà l’ébauche d’un retour aux sources, quant à la nature de son personnage. L’ébauche, j’ai dit.
Oui, Rambo reste comme dans le précédent une machine de guerre aux muscles soigneusement huilés et à la chevelure soyeuse. En cela, le film a les mêmes excès cruellement datés que Rambo 2, avec une esthétique très années 80 qui trouve son apogée lors d’un plan sublime : au début du film, Stallone se tourne pour la première fois face caméra dans un plan dramatisé à l’extrême qui inspirera des tas de caricatures… souvent moins caricaturales que l’original.
Mais quand même, ce Rambo 3 est loin d’être inintéressant. Le personnage, d’abord, affiche une lassitude et une envie de paix plus proches du film originel que de sa première suite. Et puis les parti-pris narratifs et esthétiques sont relativement ambitieux: plutôt que de se contenter d’un nouveau retour au VietNam, ou dans un autre pays à la végétation luxuriante, le film prend le contre-pied, et conduit le héros en Afghanistan, dans des paysages poussiéreux et dépouillés.
Visuellement, c’est très réussi. Différent des deux films précédents, mais avec une vraie ambition esthétique qui tape parfois à côté (quelques scènes sont un peu ternes), et qui fait parfois mouche, notamment lors d’une belle scène au fond d’une grotte, sombre et violente. D’une manière générale, les décors sont utilisés très efficacement. D’autant plus intéressant que ces décors sont à peu près inédits dans les grosses machines hollywoodiennes.
Il y a aussi une vraie bienveillance envers le peuple afghan, que le film prend le temps de mettre en scène, même si les facilités narratives et les stéréotypes sont bien là. Et même si on sent bien que cette bienveillance répond à une autre logique, qui pourrait se résumer ainsi : « tout ce qui peut faire chier les Soviétiques est bon à prendre ».
Mais le plus gros problème du film, c’est le colonel Trautman, ou Richard Crenna. Est-ce le personnage qui est mal dessiné ? Est-ce l’acteur qui joue mal ? Un peu des deux, sans doute. Trautman n’est en tout cas pas un personnage intéressant : son seul intérêt dans le premier film était de confronter Rambo à ses démons et à ses faiblesses. Ici, Trautman a un rôle central. D’abord comme représentant l’objectif de Rambo (le colonel est prisonnier des Russes), puis en tant que sidekick de notre héros.
Et c’est là que ça cloche. Absent, Trautman est une figure importante. Présent, il fait perdre à Rambo toute sa consistance, toute sa cohérence. Dans cette dernière partie, les deux personnages sont côte à côte et passent leur temps à se balancer des punchlines grotesques, se vannant face à l’armée russe qui menace de les faire passer de vie à trépas. Curieux et totalement hors sujet.
Ce drôle de flottement peut-il être mis sur le compte d’une production compliquée ? Russell Mulcahy, engagé pour réaliser sa première grosse production hollywoodienne, s’est fait virer tardivement pour différents artistiques comme on dit (tu m’étonnes : le résultat est aux antipodes de l’univers clipesque du gars), remplacé au pied levé par un Peter MacDonald qui n’était alors que réalisateur de la deuxième équipe. Le relatif échec du film pèsera sur la suite de sa carrière. Celle de Mulcahy ne fera pas illusion bien longtemps.