Le Val d’enfer – de Maurice Tourneur – 1943
Ah ! le travail ! Ah ! la famille ! Ah ! la patrie ! Et Dieu le bordel que peut amener une jeune étrangère ivre de liberté, dans une société masculine si bien ordonnée…
Le Val d’enfer est sans doute le plus discutable moralement de tous les films de la Continental, pour parler avec des termes mesurés. La firme allemande a donné naissance à une poignée de chefs d’oeuvre indiscutables, durant l’Occupation, évitant soigneusement de faire de ces films des armes de propagande. Là, pour une fois, ce constat est mis à mal.
Le « val d’enfer », c’est une vallée poussiéreuse et brûlante coupée du monde, où un homme entre deux âges a installé une mine à ciel ouvert. Il y vit avec ses vieux parents, et ses ouvriers réunis dans un même baraquement, pour la plupart sans femmes. Taiseux et rude, l’homme est aussi droit et fier. Juste, d’après tous ses proches, mais aussi intraitable avec son propre fils, qui a eu l’outrecuidance de sortir du droit de chemin, et qu’il refuse de pardonner.
La rencontre entre cet homme et cette jeune femme au passé difficile, fille d’un ami qui vient de mourir et qu’il recueille chez lui, et qui aspire simplement à vivre, pourrait être le point de départ d’un film noir à l’américaine. Le scénario en fait un contraste entre une vie droite de labeur et de devoirs, et une aspiration à la liberté qui tourne à la débauche. Douteux, pour le moins.
Pourtant. Est-ce la manière dont Tourneur filme les personnages dans leur environnement, hostile et marquant ? Est-ce l’interprétation de Ginette Leclerc, de Gabriel Gabrio (dans son tout dernier rôle, avant sa disparition prématurée), de Gabrielle Fontan et Edouard Delmont (magnifique couple de vieux) et de l’ensemble de la distribution, formidable ? En tout cas Le Val d’enfer est un film passionnant… et finalement assez beau. Humainement, le drame est d’une grande justesse, en partie parce que l’interprétation elle-même évite soigneusement les clichés et les types les plus courants du cinéma de cette époque.
Et puis il y a cette étrange figure d’ange vengeur, le mystérieux « Sauvage » (Georges Patrix), encore un taiseux, dont la distance sympathique finit par prendre une tournure presque démoniaque. Et c’est lui qui propulse le drame vers un revirement heureux pour (presque) tous les personnages. Mais à quel prix…
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