Le Rouge est mis – de Gilles Grangier – 1957
Gabin en braqueur à l’apparence bourgeoise, Lino Ventura en petite frappe dangereuse, Annie Girardot en jeune femme fatale, Paul Frankeur en comparse un peu lâche, Marcel Bozzufi en petit frère encombrant… On est en terrain connu avec ce polar adapté par lui-même d’un roman d’Auguste Le Breton, dont on sait d’emblée qu’il se terminera mal.
Rien de surprenant ? Au contraire. Il y a dans ce film des tas de détails que la caméra de Grangier sait admirablement capter, et qui donnent un ton différent, original, à cet excellent polar. Un bref passage dans un marché populaire plein de vie, une discussion inattendue autour d’actions qui montent ou qui baissent, ou encore une scène totalement inutile avec des cyclistes du dimanche que Gabin regarde partir avec une bienveillance un rien nostalgique…
Il y a de la vie dans Le Rouge est mis. Un savoir faire évident, une efficacité imparable, mais surtout de la vie, que l’on ressent dans chaque scène, et qui a pour effet de renforcer les émotions. Lors du braquage qui ouvre le film, le sentiment de danger est ainsi palpable, sentiment plus fort encore lors de la course poursuite avec les motards de la police. Les face-à-face entre Girardot et Bozzuffi sont elles aussi très fortes, dans un tout autre registre. Jusqu’à la séquence finale, haletante, désespérée et forcément tragique.
Quant à Gabin, il est formidable. A la fois totalement lui-même tel qu’on se l’imagine, et toujours un peu différent : une manière d’être à la fois dur, voire dénué d’empathie, mais aussi humain voire fragile. Il faut voir son regard surpris après s’être pris une giffle par sa mère, ou son regard implorant lorsqu’il rattrape enfin Ventura dans la dernière séquence. Toujours grand, Gabin. Et devant la caméra de Grangier, c’est du bonheur.