La Bible (The Bible : in the beginning) – de John Huston – 1966
Il faut un certain courage pour passer les premières minutes du film, interminables. Du courage, ou l’envie profonde de voir ou revoir toute la filmographie de John Huston, entreprise pleine de récompenses enthousiasmantes, mais aussi de quelques écueils. Celui-ci n’est pas le moindre, en tout cas dans cette première partie assez imbuvable.
Avec La Bible, John Huston se lance dans un projet ambitieux, voire démesuré : porter à l’écran les différents chapitres de l’Ancien Testament, de la création du monde en sept jours au sacrifice d’Abraham en passant par la tentation d’Eve, la pomme et le serpent, Abel et Caïn, Noé, le déluge et son arche, Sodome et Gomorrhe, l’arrivée en Terre promise… Un projet titanesque pour une superproduction comme Dino de Laurentiis en avait le goût.
Le résultat est pour le moins problématique. Et le premier problème, c’est que cette première partie consacrée à la Genèse donne l’impression que ça été tourné en temps réel. Et sept jours, c’est long quand on s’ennuie. Et quand ce qu’on voit est d’une telle laideur. Attention : les images sont assez belles, mais Huston se contente alors de coller entre elles de belles vues de nature, soulignant lourdement leur pureté et leur caractère apaisant. On se croirait dans une boutique zen…
La suite est à peine moins agaçante, avec une esthétique new age qui domine dans toute la première partie. Et puis l’effet catalogue interdit une quelconque empathie pour aucun de ces personnages que l’on connaît, dont on connaît l’histoire, mais qui n’ont pas d’existence propre devant la caméra de Huston. Le film se résume alors à une spectaculaire illustration de la Bible, joliment mise en scène mais totalement désincarnée.
Finalement, c’est quand Huston lui-même apparaît sous la barbe de Noé que le film prend une ampleur nouvelle. Parce qu’il est impeccable, parce qu’il y prend un plaisir visible à se mettre en scène au côté de tous ces animaux, parce qu’il incarne vraiment son personnage, en lui apportant une ironie bienvenue, qui manquait à la première heure. Et parce qu’il prend le temps de développer un fil narratif, pour le coup convainquant, et au moins aussi bien que le gros truc interminable avec Russell Crowe.
Et puis le film retombe dans ses travers. Vient le repeuplement, figuré par une sorte de pyramide humaine stylisée mais un peu facile. Ça nous mène à la Tour de Babel, et là aussi c’est visuellement splendide et très impressionnant, mais désincarné et pour tout dire un peu chiant.
Enfin arrive George C. Scott qui interprète Abraham. Et là commence un nouveau film, dont on se dit qu’il aurait effectivement dû faire l’objet d’un film pour lui seul, tant il y a une cohérence dans l’esthétique et les enjeux narratifs autour du personnage. C’est la plus longue partie du film, la dernière, celle où Huston prend le plus le temps de développer les personnages, dont certains sont très beaux : celui d’Ava Gardner notamment, qui permet d’aborder très en avance le thème de la GPA.
De belles trouvailles visuelles aussi, comme la mise en scène de cet ange de Dieu aux trois visages, tous de Peter O’Toole, dont les apparitions sont assez poétiques. Mais aussi une manière de mettre en scène les aspects les plus problématiques de la Bible, comme une manière plutôt audacieuse d’évoquer le fanatisme religieux. Pas toujours passionnant, mais intéressant. C’est déjà ça.
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