Un homme et une femme – de Claude Lelouch – 1966
Deauville, le rallye de Monte Carlo, Trintignant qui roule sous la pluie, Chabada (qui ne se chante pas Chabada d’ailleurs), le noir et blanc et la couleur, la voix de Pierre Barouh, le visage d’Anouk Aimé, ce visage si beau et si pur dont Lelouch ne cache pas les imperfections, et qui n’a pourtant sans doute jamais été aussi bien filmé…
Un homme et une femme est le plus beau film de Lelouch ? Voilà qui pourrait même mettre d’accord ceux qui ne supportent pas le romantisme exacerbé, les grands mouvements d’appareils, la grandiloquence diront certains, d’un cinéaste pourtant total. Son amour des acteurs, son sens du récit et du rythme, l’utilisation qu’il fait du montage et de la musique… Tout est cinéma dans le cinéma de Lelouch, parce que tout est passionné.
Ce n’est pas son premier film, mais c’est pourtant là que tout a vraiment commencé : là qu’il a trouvé son style, sur les planches de Deauville, auxquelles il reste intimement lié plus de cinquante ans plus tard, et qu’il filme comme personne. Magnifique image que cet homme et ce chien, tous deux abîmés, dont on observe les silhouettes en ombres chinoises claudiquant sur les planches au soleil couchant.
Ce sont deux êtres abîmés par la vie, comme cet homme et cette femme qui se trouvent et se découvrent entre Deauville et Paris, sur la route, sous la pluie. Une histoire simple, comme celles qui ont fait les plus beaux films de Lelouch : un homme, une femme, l’amour, la vie. Rien de plus, ou si peu. Tout est beau dans ce film, parce que Lelouch sait capter ces petits quelques choses qui donnent de la vie. Même les longues séquences automobiles sont prenantes, pour quelqu’un comme moi que la mécanique ennuie.
Lelouch emprunte à la Nouvelle Vague cette manière de déconstruire le récit, de casser les cadres, de filmer les personnages au plus près. Mais c’est bien un style très personnel qu’il met en place, avec une liberté totale et totalement maîtrisée, une manière envoûtante de passer de la couleur au noir et blanc, ou au sépia, et une superbe utilisation de la voix off.
Trintignant qui se demande ce qu’il doit faire en arrivant à Paris où il veut rejoindre celle qui lui a déclaré son amour par télégramme est un moment absolument magique à vous coller des frissons. L’étreinte de cet homme et de cette femme sera euphorisante. Et le regard d’Anouk Aimé soudain voilé par le souvenir de son mari disparu, déchirant. De grandes émotions, pures et intenses. Palme d’Or et Oscar du meilleur film étranger, Un homme et une femme est magnifique.