Le Kid (The Kid) – de Charles Chaplin – 1921
On a beau le connaître par cœur, anticiper le moindre plan, le moindre gag, le moindre mouvement même… Le Kid garde, vision après vision, la même puissance émotionnelle. Je me suis dit : cette fois, je ne vais pas verser ma larme quand les services sociaux vont venir chercher le gamin. Tu parles !
Est-ce le regard de Jackie Coogan ou celui de Chaplin lui-même ? Les deux sans doute. Et cette urgence désespérée que le style soudain endiablé insuffle, cette caméra qui devient mobile, cette soudaine profondeur de champ lors de la course poursuite sur les toits…
Un lyrisme inédit jusqu’à présent, qui vous emporte à tous les coups. Alors non, ce n’est pas une larme que j’ai versée, mais des torrents, comme toujours. Et comme toujours chez Chaplin, cette émotion si pure se termine sur un éclat de rire, les deux se mélangeant dans un seul mouvement magnifique.
Il y a quelque chose de magique dans le cinéma de Chaplin, qui fait passer tous les excès. L’excès de symbolique avec ce plan inutile de Jésus pour bien souligner que lorsqu’Edna Purviance abandonne son bébé, c’est comme si elle portait sa croix. L’excès d’imagination facile avec cette scène de rêve rigoureusement inutile. L’excès de maquillage même, avec les fausses barbes des voleurs au début, qui date immédiatement le film. Quelque chose de magique, donc, qui fait que jusqu’à ses défauts, tout contribue à la perfection du Kid.
En passant pour la première fois au (presque) long métrage, Chaplin ne perd rien de son intensité. Au contraire même : c’est comme si ce nouvel espace de liberté lui permettait de laisser libre court à son imagination débordante, et à son obsession pour la perfection. Tout semble couler de source dans Le Kid. Pourtant, le moindre gag repose sur des trésors d’imagination.
Prenons la première scène dans laquelle apparaît le vagabond par exemple : celle où il découvre le bébé et tente en vain de s’en débarrasser illico. Cette idée du double landau, et la manière dont le bébé revient systématiquement dans les mains de Charlot, est formidable. Plus tard, un gag plus simple relève carrément du génie : celui où Charlot flirte avec la femme du policier et ne réalise pas que la main qui le tient par l’épaule est celle de ce dernier.
Il y a aussi, et surtout, toutes les scènes avec Jackie Coogan, gamin découvert par Chaplin qui deviendra l’une des plus grandes stars de son époque. Et pour cause : il parvient non pas à voler la vedette à Chaplin, mais à former un vrai duo avec lui, cohérent et irrésistible. Les scènes de repas, celle du dortoir, ou encore celle des vitres brisées, sont autant de merveilles inoubliables.
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