La Nuit des généraux (The Night of the Generals) – d’Anatole Litvak – 1967
Ça commence très fort, avec une scène pleine de promesse : un meurtre est commis, mais il n’est filmé que par le strict point de vue d’un type qui se cache dans les toilettes d’un immeuble miteux, et ne voit à peu près rien. Cette économie de moyen inattendue dans une production de cette ampleur laisse présager le meilleur.
La suite est nettement moins convaincante. Visiblement dépassé par l’ampleur de son sujet, Litvak semble ne jamais vraiment savoir comment articuler la grande Histoire et la petite. Ce meurtre sauvage d’une prostituée, commis par un général dont on ignore l’identité dans Varsovie sous le joug des Nazis, est pourtant un bon point de départ. Et le personnage de détective joué par Omar Sharif est séduisant : Allemand bien décidé à ne pas laisser ce meurtre impuni, alors que tant de massacres sont commis au quotidien.
Il y a des tas de moments forts, à commencer par la destruction spectaculaire d’un quartier de Varsovie. Il y a aussi des personnages très réussis, avec un parti pris assez rare dans le genre : presque tous (à l’exception de Philippe Noiret, dans un rôle pas emballant) sont des officiers allemands, tiraillés entre leur devoir d’obéissance, leur devoir moral, et la volonté de ne pas être les grands perdants de cette grande histoire qu’est la guerre.
Plein de promesses, donc. Mais on sent rapidement qu’il y a un truc qui cloche. Dans sa manière, surtout, d’utiliser un système de flash-backs à la Citizen Kane dont il ne sait quoi faire, système qui apparaît tardivement (avec le personnage de Noiret justement), qui qui est abandonné aussi vite.
Sur le papier, cette enquête policière sur fond de guerre est passionnante. Mais le choc n’a jamais lieu, comme si Litvak ne savait pas vraiment quel film il faisait : un film de guerre, un polar, le portrait d’une nation sur le point d’imploser ? Le suspense ne fonctionne pas vraiment parce que l’identité du tueur est évidente. La psychologie est discutable aussi, à l’image de cette scène face au tableau de Van Gogh, avec un Peter O’Toole qui en fait trop pour être vraiment crédible.
Mais le plus gênant ne serait-il pas l’accent anglais d’Allemands qui ne parlent que la langue de Shakespeare, alors que les Français (Noiret en tête) parlent, eux, bien français. Et quand on voit Pierre Mondy apparaître dans le rôle d’un soldat allemand, doublé par un comédien anglais, alors oui, on a du mal à prendre tout ça au sérieux.
La Nuit des généraux ne fonctionne que par moments, dans quelques scènes réussies. Comme cette apparition chantée de Juliette Gréco, dans une tentative assez séduisante de renouer avec l’atmosphère des films des années 30 ou 40. Pour le reste, le film a tout du rendez-vous raté.
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