Le Temps de l’innocence (The Age of Innocence) – de Martin Scorsese – 1993
Pas une goutte de sang dans ce Scorsese là, tourné entre Les Nerfs à vif et Casino qui, eux, ne lésinaient pas. Pourtant, Le Temps de l’innocence est un film d’une violence tout aussi radicale. Une violence sociale pour le coup, où la question des sentiments, et les rapports humains en général, font d’autant plus de dégâts qu’il importe de faire bonne figure malgré tout dans cette société là.
Cette société, c’est la haute du New York des années 1870. Entre les coups de couteaux de Gangs of New York et les exécutions des Affranchis, c’est donc chez les gens du monde qu’on se montrait impitoyable. A cause du poids des « convenances » bien sûr : on a vu ça dans des tas de films et de romans. Mais aussi et surtout à cause d’un hallucinant manque d’empathie.
Ah ils sont beaux, tous, à l’image de Winona Ryder, au sommet de sa carrière (cette année-là, elle est aussi l’héroïne du Dracula de Coppola). Belle… et parfaitement glaciale, son visage si doux contrastant cruellement avec son humanité très corsetée. Face à elle, Michelle Pfeiffer est une belle victime expiatoire, à la fois libre et prisonnière de ce monde inhumain. Et entre les deux belles, Daniel Day Lewis, tout sauf un héros, un type dont la révolte apparente n’enlève rien au fait qu’il subit constamment son environnement.
Scorsese filme ce microcosme comme il filme la mafia : comme une sorte de grande famille castratrice où chacun, à tout moment, doit respecter les règles en vigueur, immuables. Le style visuel qu’il adopte est constamment au service de son propos : montage, inserts, gros plans, et même des caches (de lumière) comme aux premiers temps du cinéma, qui soulignent constamment les regards omniprésents, et l’impossibilité d’être seul dans ce New York aristocratique, étouffant. C’est dur, et magnifique.
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