Aventure malgache (id.) – d’Alfred Hitchcock – 1944
Dans la longue série des ponts que l’on peut dresser entre les filmographies de Fritz Lang et d’Alfred Hitchcock, il y en a que j’avais complètement oublié : tous les deux ont tourné des films en langue française. Pas tout à fait dans le même contexte, certes, mais quand même. Pour Lang, c’était après son départ d’Allemagne et avant son arrivée à Hollywood. Pour Hitchcock, cela s’est passé au bercail (en Angleterre, donc), dans le cadre de sa participation à l’effort de guerre.
L’engagement d’Hitchcock est moins spectaculaire que celui de Capra ou de Ford, pierres angulaires de la machine de guerre hollywoodienne. Mais entre Lifeboat et Spellbound, l’homme a tout de même consacré une année à participer de plus ou moins près à la réalisation de documentaires, et de deux courts films de propagande : Aventure malgache et Bon voyage, deux courts métrages produits par le ministère de l’information britannique.
Leur principale particularité est de mettre en scène des comédiens français réfugiés à Londres. Dans Aventure malgache, il est évidemment question de mettre en valeur l’esprit héroïque français. L’esprit colonial aussi, en l’occurrence, mais c’est une question que Hitchcock n’aborde pas frontalement. Ce n’était juste pas le sujet, ni le bon timing, dirons-nous. Le cinéaste profite plutôt de son histoire pour rendre également hommage à ces comédiens français à Londres, qui sont à la fois les interprètes et les héros de son film.
La construction est plutôt habite : dans les coulisses d’un théâtre londonien, vers 1944, un comédien, avocat dans le « civil », raconte à ses compagnons une histoire dont il a été le témoin et le principal personnage en 1940, histoire qui se dévoile sous nos yeux lors de longs flash-backs. Et c’est rythmé et bien foutu, à défaut d’être génial.
Hitchcock fait de l’affrontement entre le résistant Clarusse et le Vichyste Michel un face-à-face plus truculent que réellement inquiétant : dans un film de propagande, il ne s’agit pas de trop mettre l’accent sur les dangers et la mort qui menace. D’où l’impression d’assister à une représentation, plutôt qu’à un drame ancré dans le réel.
Mais le film aborde aussi un thème un peu plus original : celui du « moindre mal » que représenterait un débarquement anglais. En gros, les colons préfèrent être à genoux devant l’Angleterre que sous le joug des Allemands ou des Japonais. Bien sûr, les dernières images, destinées à booster le moral des Français, vient balayer ces craintes. En revanche, pas un mot sur les Malgaches eux-mêmes, observateurs bien sages et bien effacés.
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