13, rue Madeleine (id.) – de Henry Hathaway – 1946
Tous les grands cinéastes hollywoodiens (les moins grands aussi d’ailleurs) ont participé à l’effort de guerre à leur manière, en signant toute une série de films de propagandes, films de guerre et d’espionnage très patriotiques, dont beaucoup sont aussi de belles réussites. Hathaway a joué le jeu lui aussi. Et même si la guerre est terminée lorsqu’il entame le tournage de ce 13, rue Madeleine, le film s’inscrit dans cette droite lignée.
Plutôt que de sensibiliser l’opinion publique, il s’agit plutôt ici de saluer le dévouement et le sacrifice de tous ces hommes qui se sont battus dans l’ombre pour battre l’armée nazie. Les services de renseignements américains en l’occurrence, à qui le film est explicitement dédié. Mais pas seulement : le film rend également un bel hommage aux résistants français, notamment à travers le beau personnage du maire d’un petit village interprété par Sam Jaffe.
Oui, parce que malgré la présence d’Annabelle dans le rôle d’une espionne française (logique jusque là), Hathaway ne s’embarrasse pas des problèmes de nationalité ou de langage. Français, Anglais, Allemands, Américains, tout le monde parle français, ce qui règle pas mal de problèmes, notamment lorsqu’un jeune agent qui fait ses débuts sur le terrain doit se faire passer pour un Français né et élevé à Carcassone. Où chacun a l’accent américain, bien sûr.
Cela dit, cette facilité n’est pas une rareté dans le cinéma américain d’alors… Et si elle nuit à la crédibilité de quelques séquences, elle n’enlève pas grand-chose à la force du film, qui tient autant à son scénario retors qu’à ses parti-pris esthétiques. Sur le fond d’abord, il est question d’agents doubles, de fausses informations, et d’une guerre qui se joue autant sur ce que l’on sait ou croit savoir que sur ce que l’on fait. Un jeu de dupes passionnant entre James Cagney et Richard Conte, tous deux excellents.
Et dans la forme, 13, rue Madeleine annonce les « films noirs documentaires » dont Hathaway signera quelques pépites (à commencer par Appelez Nord 777, encore avec Richard Conte). Le générique de début affiche d’ailleurs d’emblée cette volonté de coller au plus près à la réalité de ces hommes de l’ombre, en affirmant que le film a été tourné sur les lieux mêmes de l’action.
Au Havre, donc, dans ce bâtiment de la rue Madeleine qui servait de QG à la Gestapo ? Eh bien non : les séquences normandes du film ont en fait été tournées au Québec. L’aspect documentaire est en fait surtout frappant dans la première partie, très détaillée, sur l’entraînement des agents. La partie française, elle, se rapproche d’avantage du pur film de genre, efficace et réjouissant.
Notons au passage les brèves apparitions des tout jeunes E.G. Marshall et Karl Malden, tous deux dans l’un de leurs premiers films.
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